Dans une sorte de rite expiatoire, (je résidais à l’époque en Provence, à Salon très exactement), je pris auprès de moi ces menus morceaux que je venais de déchirer et les posais à mes côtés dans la voiture.
Quelques kilomètres plus loin, j’ai ouvert la vitre et je les ai confié au mistral qui ce jour là soufflait très fort.
Je les ai vu voleter, ces menus et innocents papillons, quelques uns s’échouant dans une proche haie d’ifs, d’autres, plus légers sans doute, prenant leur envol vers le grand cimetière des oeuvres mort-nées.
Peut être, un jour, un perspicace paléontologue, (comment appelle-t’on un spécialiste des reconstitutions d’écrits sans importances ?) saura recoller les morceaux comme témoignage curieux d’une époque bien lointaine.
Pourtant tout n’est pas perdu, j’ai gardé par le plus grand des hasards quelques feuillets destinés à s’intégrer à une histoire dont je ne connais plus le début et n’en connaîtrai jamais la fin.
Mais vous pouvez faire jouer vos imaginations: Qui sont ils? Comment se sont ils trouvés et pourquoi la vie, sans pitié, va les séparer?
Une de mes amies à qui j'avais, fait parvenir ce texte m'a regardé avec réprobation après sa lecture en me disant -Eh, ben!!! Bonjour la poésie.
Quant à moi, je l'avais affublé du doux nom d'»histoire bien sentie»
Je vous laisse donc le choix de son petit nom de baptême: Bonjour la poésie ou Histoire bien sentie.
A vous de choisir!
Voici donc cet extrait d'une oeuvre qui eut du, sans nul doute, passer à la postérité
Elle habitait alors avenue de Port royal, logée par son administration dans un bâtiment exclusivement réservé aux représentantes de ce sexe que l'on dit beau.
Un redoutable cerbère interdisait l’entrée de ces lieux à tout représentant du sexe dit fort.
Ils avaient bien envisagé, elle, de détourner l'attention du cerbère au pupitre où il exerçait sa coupable industrie, lui, à quatre pattes, chaussures à la main, tentant de gagner les étages supérieurs où elle avait sa chambre.
Le ridicule de la situation ainsi que les risques encourus (les cas d’exclusion de la résidence étaient loin d’être rares) les avaient dissuadé de se livrer à ce genre d’exercice.
C’est ainsi que les bancs publics, quelques encoignures de porte et des obscurités complices avaient accueilli leurs amours haletantes autant que débutantes.
Et c’était chaque soir la recherche du coin propice qui leur prenait une partie de leur temps et qui, en dépit du soin mis dans son choix, les laissait souvent frustrés de n’avoir pu aller au bout d’un désir qui ne demandait qu’à s’exprimer.
Un soir, faute de mieux, ils s’étaient assis sur un de ces fameux bancs, témoins du début de tant d’amours éternelles qui généralement se terminent au bout de quelques mois quand ce n’est pas quelques jours.
L’endroit n’était pas si mal choisi stratégiquement, isolés qu’ils étaient du boulevard par l’une de ces haies d’arbustes indéfinissables luttant farouchement pour leur survie dans l’hostile milieu automobile parisien.
Soudain, un véhicule stoppa, une silhouette en sortit et un monsieur se dirigea droit vers eux. Ne sachant à quoi s’en tenir, ils se figèrent dans leur activité.
En fait, le monsieur se dirigeait vers un renfoncement légèrement à leur droite. Pris d’un besoin, probablement aussi subit qu'intense, il avait choisi cet endroit discret, du moins le croyait-il, pour y soulager sa vessie.
S’arrêtant face au mur, il entreprit donc la tâche pour laquelle il était venu.
Le glouglou qui en résulta avait le son joyeux, léger et roboratif d’une source de montagne et, à la durée de l’émission, l’urgence avait du être grande.
Enfin, après les manoeuvres ultimes qui suivent pareille opération, le monsieur entreprit de remettre bien au chaud ces précieuses parties de son anatomie.
Se sentant alors en confiance dans cette ville qu'il croyait enfin endormie et s’estimant bien seul, pauvre victime d'une intempestive flatulence, il laissa s’échapper un pet, un bruit tonitruant, sonore et déchirant la nuit, véritable reflet d'un corps et d'une âme en accord parfait entre eux-même.
C’est alors, sur le banc, qu’il senti le soubresaut de tout un corps qui, étroitement, se colla au sien pendant que, sauvagement, des dents s’enfonçaient dans le creux de son épaule.
Instantanément, le fou rire qui avait gagné l’un se propagea à l’autre. Pour étouffer tout bruit apte à donner l’alerte, il enfouit son visage dans sa longue chevelure qui sentait si bon le foin fraîchement coupé pendant qu'elle lovait étroitement son front contre son cou.
Inconscient du cataclysme qu’il venait de déclencher, le monsieur était retourné vers son véhicule et avait repris le chemin d’où ce besoin naturel l’avait fait dévier pendant un court instant.
Toujours soudés l’un à l’autre, immobiles nos amoureux laissèrent se calmer la tempête qui avait failli les submerger.
A un moment, il senti une trace d’humidité sur le dos de sa main ; silencieuses maintenant des larmes coulaient le long de ses joues et tombaient sans que rien ne les retienne.
Du rire, elle était, sans transition aucune, passée à la tristesse.
Leur sursis se comptait alors en heures. Navré, il attendit que le coeur qui durement tapait contre sa cage et qu’il sentait si fort sous sa main droite reprenne son rythme normal.
Ils étaient ces coeurs éperdus, chavirés, perdus au sein de la chaude nuit parisienne.
Mais ensemble ils avaient ri, il leur resterait ça, il leur resterait pour solde de tout compte ce rire complice, innocent et frais, il leur resterait ça pour mieux tenir dans l’hiver vers lequel tout droit ils se dirigeaient...
Claude
PS: Je vais, vous faire une confidence, je l'aime bien ma petite histoire qui vient d'un si lointain passé mais encore si présent dans ma mémoire
2 commentaires:
Il ne faut pas s'arrêter aux apparences. Je dirai donc ni "bien sentie" ni "poésie" mais un peu triste en arrière fond, ton histoire.
Et pourquoi pas "fragile et sauvage histoire de la vie" ?
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