1.11.18



Train de nuit



Ce n'est que récemment que l'idée qu'elle était peut être morte s'est imposée comme une possibilité. Jusqu'alors, j'avais pensé à un déménagement, une mise sur liste rouge...

Après notre rencontre, on avait communiqué, sachant que tout ça ne déboucherait sur rien. Trop d'obstacles en travers de notre route, trop d'écueils infranchissables.
 Ne m'avait t'elle pas déclaré dans le couloir de ce train de nuit qui descendait vers le sud quelle était intransigeante, c'est le mot qu'elle avait employé quand elle avait découvert mon alliance et demandé ce que c'était et elle m'avait semblé si sérieuse en le prononçant.

 Elle allait passer quelques jours de vacances à Saint-Jean-Pied-de-Port quant à moi ma destination était Bordeaux.

Après être descendu du train à Bordeaux,  J'avais marché en direction de la sortie et puis j'avais fait demi-tour voyant que le train restait immobile à quai.
 Je voulais tenter de la voir encore une fois mais j'avais oublié le numéro de la voiture dans laquelle j'avais pris place au hasard à Paris. Elle était revenue probablement s'asseoir à sa place et je n'avais même pas pu apercevoir sa silhouette derrière les vitres. Une scène à la Claude Sautet sauf qu'elle a bien eu lieu et j'en étais le personnage principal.
J’avais fini par me décider à sortir de la gare encore tout étourdi par cette rencontre dont le souvenir me marque encore aujourd'hui comme une brulure au fer rouge. Toutes ces années, tout ce temps englouti, toute cette amertume, tout ce désespoir d'un amour disparu

Mal à  vie
Plus je vais et moins j'oublie
Mal à  vie
Quand l'amour n'a pas tout dit
C'est qu'on a raté sa vie

Toutes choses étant égales par ailleurs comme on dit en mathématiques, je crois comprendre un peu de la douleur de ceux dont un proche a disparu depuis si longtemps parfois et dont rien n'est venu expliquer la soudaine disparition. Je sais la cruauté d'un fragment de souvenir, d'un mot, d'une esquisse de mouvement et la brutalité soudaine d'n coup qu'on ne peut parer puisqu'imprévisible

Que me reste-t-il d'elle aujourd'hui? Une vague silhouette brouillée par les ans et certainement que nous ne nous reconnaîtrions pas aujourd'hui si nous venions à nous croiser sur un trottoir. Seul me reste un peu assourdi le son de sa voix. Une voix un peu rauque et dérapant dans les aigus, une voix que je me suis surpris à parfois tenter d'imiter.
C’est tout, seulement ça dans une vie triste à  pleurer

28.1.18

Panthère

Elle est marrante ma radiologue. Et en plus, blonde, distinguée, une vraie image de mode faite pour attirer les patients bien impatients comme moi de trouver une solution pour se débarrasser de cette petite masse informe nichée bien profond au creux de mon intimité.
Quand on l'a découverte, le médecin qui avait commenté l'image, incompréhensible à mes yeux de profane m'avait déclaré "Monsieur, vous voyez cette tache, vous avez un cancer. Bon courage. Au revoir"
Quelques mois plus tard et quelques désagréments en supplément, je débute quelques rayons en matière de traitement. Ça me plait bien, bombarder cette saloperie de matière jusqu'à ce qu'elle rende son âme maléfique à Lucifer son maître
Et voici ce que cette magicienne habile à faire disparaitre ces dysfonctionnements qui savent si bien se dissimuler en nous m'a dit
"Vous n'auriez pu n'abriter qu'un gentil chaton mais vous abritez une panthère noire mais ayez confiance, on sait comment s'occuper de ces bestioles là"
J'aime bien cette image, ce safari en moi. Une panthère noire, hiératique, énigmatique, tellement belle, sachant attendre son heure pour l'attaque inévitablement mortelle.
Mais une radiothérapeute blonde et marrante est là avec ses rayons de la mort aptes à néantiser les panthères les plus cruelles

27.1.18

Souvenirs

Je suis hypermnésique.
Putain, ça veut dire que je n'ai pas de bouton off pour museler ces cons de souvenirs.
Pas de ccleaner à ma disposition,voyez vous
Et ça revient comme ça comme la marée monte, implacable et s'étend sur le sable chaud.
Parfois tout devient si proche que tout pourrait repartir, les odeurs, les bruits et même la bizarre résonance d'un ciel qui se brise.
Tout, comme des coups de poignards visant le cœur, tout revient, d'un coup, tellement à portée de main, à portée d'oreille, à portée de nez  mais qu'un simple soupir, un battement furtif de cil fait s'écrouler comme un château de cartes et me laisse, désemparé, triste sur les berges érodées de la vieillesse qui s'avance avec sa vilaine dégaine et sa gueule de fouine

Ombres légères

      J'ai récemment évoqué ici deux silhouettes féminines qui ont, plus ou moins brièvement, croisé ma vie à divers ...