10.2.06

La fin est là. Ouf





L’IMPASSE

SUITE 6 ET FIN

Dans la nuit du 2 au 3 octobre et dés que la nouvelle de l’assassinat fut connue, des hindous fanatisés ont commencé à se diriger vers le quartier de Maharani Bagh où alors j’habitais et où résidait une forte concentration de Sihks, commerçants, banquiers, tous gens aisés formant une part de la bourgeoise delhiite.

Des yeux brillants dans des visages déformés par la fureur nationaliste et le fanatisme à l’état pur s’insinuant par les jardins et les arrières cours, ils commencèrent à neutraliser ou massacrer les chowkidars, les gardiens de nuit des grandes propriétés du quartier

Bientôt une grande clameur s’est élevée pendant que les premières flammes et les premiers incendies volontaires ont commencé à apparaître.

On estime le nombre des morts tirés de leur sommeil ou brûlé dans leur maison à une vingtaine de milliers. Bien sur on n’en saura jamais le décompte exact.

Bien entendu, témoin de ces soubresaut de l’histoire, mes recherches personnelles en subirent le contre coup. Il fallu un certain nombres de semaines avant que la vie puisse reprendre son cours à peu près normal même si, aujourd'hui encore, des cicatrices sont mal refermées et que je puisse tenter de revenir vers ce son si étrange mais jamais ré entendu depuis tous ces funestes et meurtriers événements.

C’est donc, accompagné de mon mali, un peu jardinier, un peu intendant en charge de ce qui se passait à l’extérieur de la maison que je poursuivi quelques investigations dans la direction où semblait être issu ce bruit poignant et émouvant.

Et c’est ainsi que nous finîmes par arriver devant une maison située le long de cette grande artère qui va vers Agra et son Taj-Mahal, à quelques 250kms de là.

Elle avait souffert de toute évidence des émeutes récentes, une partie de la face avant s’était écroulée et des traces de feu apparaissaient sur les murs encore debout. A l’arrière apparaissait une cour recouverte de pavés, de ce granit indien un peu rougeâtre que l'on voit beaucoup dans les bâtiments officiels.

Voyant que je regardais avec curiosité dans cette direction, un grand gaillard avec une longue barbe, un sikh de toute évidence s’avançât vers moi.

C’est en Anglais qu’il s’adressa à moi et commença à me raconter ses propres malheurs.

Oui, par chance, il était absent lors des événements, à Londres pour affaires.

Mais malheureusement ses parents et deux de ses frères avaient péris dans l’incendie volontaire d’une maison située tout à côté.

Il finit par me demander de quel pays je venais.

- De France, lui dis–je

Alors, c’est très curieux me dit–il; cette maison date d’environ 2 siècles et il a fini par m’expliquer qu’elle avait été, à l’époque de la compagnie des Indes, achetée par un certain marquis de Mauléon, envoyé par Dupleix pour y chercher un accord politique avec le maharadjah régnant en cet endroit à cette lointaine époque afin de contrebalancer le pouvoir grandissant de nos amis anglais sur le point de s'établir dans cet pays continent et aux détriments de nos intérêts politiques et commerciaux.

Sa mission avait échoué mais la maison au travers des générations avait continué à porter le nom de la «maison du Français».

Cette «maison du Français» restée entre les mains de mon interlocuteur et de ses ancêtres jusqu'à nos jours, semblait jouir à l'en croire d' un étrange privilège ou sortilège qui semblait la préserver des inévitables atteintes de l’âge et des éléments si destructeurs dans ce pays de températures et de précipitations extrêmes et où les habitations, du moins dans ce quartier, sont toutes de construction récente.

Et pourtant la fureur et le fanatisme des hommes avait fini par en venir à bout et la protection dont elle avait jusqu'alors bénéficié semblait s'être évanouie et expliquait le triste état dont lequel je la voyais maintenant.

Nous continuâmes notre discussion autour d'une tasse de ce thé sucré dont raffolent les Indiens et quand je finis par prendre congé de mon hôte, les ombres du soir commençaient à s'allonger.

Je tenais donc là un semblant d’explication qui vaut ce qu’il vaut: Pour une raison qui totalement nous échappe, des êtres sont peut être parvenus à capter cet insensé secret, à pouvoir se jouer du temps et savent se dissimuler à nos yeux comme un enfant le fait en se cachant dans les plis d'une épaisse tenture de la maison familiale.

Mais ce que je comprends encore moins c'est pourquoi moi qui ait été choisi pour percevoir ce signe?

Le hasard probablement, me suis longtemps dit, il suffisait probablement que je fusse là au bon endroit, au bon moment tout simplement.

Mais pourtant ce son qui m’a tant surpris et captivé dans ce pays était le proche parent de celui entendu et partagé, si loin d’ici et voici si longtemps en France, dans ce fouillis de ruelles de l'est parisien, dans ces endroits où aujourd’hui encore des artisans s’ingénient au fond de vénérables boutiques hors d'âge à utiliser des techniques d’un autre temps.

Alors, toute reflexion faite, au plus profond de moi, je sais maintenant que ceci n’est pas du au seul hasard.

C'est la raison pour laquelle, quand mes pas m'amènent à proximité de ces arrières-cours d'un autre temps, endormies au coeur de Paris, je tends toujours l'oreille et je ralentis le pas car, je le sais qu'un jour, une succession ensorcelante de notes de musique s'échappant d'un violon vénérable viendra heurter mes oreilles, un violon caressé par les longs doigts fuselés d'une longue et flexible fille qui m'attend dans un repli caché du temps

Et je sais que ce jour là, j'avancerai sans crainte et sans désir de retour vers ces vertigineux et lumineux paysages réservés à ceux qui savent accepter sans réticence aucune les sortilèges de l'amour fou et véritable

Claude



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