Ce fût sur le quai d'un arrière coin d'un port du sud est asiatique que cette vision s'est imposée à moi
C'était à ce moment si particulier de l'année juste avant la saison des pluies.
Le quai était luisant de l'humidité déposée par la prè-mousson et il fallait prendre garde à ne pas glisser et tomber sur de sombres pavés disjoints
J'ai marché seul sur une certaine distance pour rejoindre un navire dans une autre partie du port.
La mer, qui doucement clapotait conte des ouvrages fatigués était couleur d'étain étamé, le ciel, gris et menaçant, charriait des nuages aux formes tourmentées
Devant mes yeux, une armée d'énormes cafards, à peine dérangés par ma présence, s'affairait à des besognes incompréhensibles en courant d'un bord du quai à l'autre
Cette image s'est imprimée dans mon esprit et m'a poursuivi longtemps. Il ne restait plus qu'à y mettre des mots. Ce fût «le ventre de la nuit»
Ces ombres inquiétantes qui y grouillent, ce sont celles de nos peurs individuelles, de celles qui se terrent dans les recoins de nos cerveaux indociles et font irruption souvent en cauchemars familiers et effrayants.
Vous pouvez essayer, pour tenter de les amadouer, de les affubler de mots qui sont les maux de nos temps modernes : Pollution, Violence et tant d'autres encore.
Il paraît que nommer les choses, c'est mieux les connaître afin de pouvoir les apprivoiser mais je ne garantis pas le résultat.
Mais je ne crois pas que la lampe de l'espoir esquissée à la fin de ce texte et qui, obstinément et fidèlement, illumine encore nos intimités, puisse longtemps encore résister à ces septentrionales tempêtes que je sens s'accumuler au delà des nos horizons
LE VENTRE NOIR DE LA NUIT
Dans le ventre noir de la nuit
Sous des bourrasques de pluie
J’ai vu les quais accoucher
En toute tranquillité
De l'innombrable cargaison
D'une parturiente en souffrance
Donnant en toute lubricité naissance
A des culs-de-jattes, infirmes aux moignons
Tourmentés, accrochant des doigts entêtés
Aux aspérités du débarcadère fatigué
J’ai vu celui là avec un bandeau sanglant
Cachant l'orbite d'un vide purulent
Et cet autre arborant une tête hydrocéphale
Avec dans le regard une sourde lueur brutale
Dans le noir abyssal du ventre de la nuit
J’ai vu au plus profond d’un puits
En tas informes de délétères pestilences
Tout cliquetantes et folles d’impatience
Des ombres à la marche inquiétante
Envahir les ténèbres environnantes
Et se répandre sur les pavés sombres
Des rues bordées de vains décombres
J’ai vu une femelle aux longs cheveux tombants
Glapir vers le ciel d’impudiques mots stridents
J’ai vu celui là à l’abondante barbe verdie
Dégoulinant de putrescentes scories
Jeter un regard d’envie à la ville assoupie
Dans l’œil las du ventre de la nuit
Sous les cris de grands oiseaux de mer
Volant en groupe vers le fond de l’aber
J’ai vu une procession lente d’êtres enfouis
Dans des guenilles et des chiffons informes
Cheminant vers ceux là qui s’endorment
Sous l’abri frêle de l’or d’une lampe
Éclairant comme les feux de la rampe
Cette pièce à venir aux fureurs inexpiables
Dans des corps à corps bientôt inévitables
Dans le velours noir du ventre de la nuit
J’ai vu se dessiner sous l’arc de tes sourcils
Le simple ovale aimé de ton visage nacré
Reposant calmement au fond d’un oreiller
4 commentaires:
Le Cri! How appropriate! That's how Louis la Vache feels about Blogger right now!
Pas facile d'apprivoiser ses peurs...
J'allais écrire à peu près la même chose que Mathilde.
Quand donc les peurs cesseront-elles de gouverner nos vies... probablement grâce à l'amour, bien sûr.
Espérons le, Véro, mais faut admettre qu'il a du pain sur la planche par les temps qui courent ;-)
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