27.3.06

Madeleine / Sarah (1)



MADELEINE / SARAH (1)


Ils arrivèrent tous les deux en ce printemps de 1942.

En avril, ou plus certainement en mai car les fenêtres des classes étaient ouvertes ce jour là pour laisser entrer ces premiers vrais rayons de soleil de l’année tellement bienvenus après un hiver long et rigoureux…

Ce fût à la suite de Monsieur Millet qu’ils firent leur entrée. Le garçon, l'aîné, tenant par la main une brune et frêle fillette

A l’arrivée du directeur, tous les enfants s’étaient levés et regardaient avec curiosité dans la direction des deux inconnus

-Je vous présente Pierre et Madeleine qui rejoignent notre école à partit d’aujourd’hui et qui seront avec nous pendant quelque temps, nous dit le directeur

Madame Millet, la femme du directeur qui faisait la classe aux plus petits s’était avancée à la rencontre des deux enfants et de son mari en souriant et sans manifester de surprise

-Bienvenue, Madeleine et à toi aussi, Pierre. Madeleine va s’installer ici, au premier rang, à côté d’André qui sera content, j’en suis sûr de l’avoir près de lui

Son frère lui lâcha enfin la main et gracieusement elle alla s’asseoir à l’endroit indiqué en posant sagement ses avants bras sur le pupitre en ne montrant aucune forme de timidité comme cela eut pu être naturellement le cas

Pendant ce temps, Pierre et monsieur Millet étaient repartis en direction de l’autre salle de classe où des grands préparaient déjà leur certificat d’études

C’est à la récréation que connaissance fût réellement faite. Les filles entourèrent tout de suite Madeleine et c’est ainsi qu’elles apprirent qu’elle et son frère venaient tous deux de Paris et que leurs parents, actuellement en voyage, avaient demandé à mademoiselle Dorange de bien vouloir les prendre chez elle en attendant leur retour

Mademoiselle Dorange vivait dans une maison située à la sortie du village et jouissait dans le village d’une grande notoriété car elle avait été petite main chez Dior et s’habillait toujours avec beaucoup d’élégance dans ce village essentiellement rural et où les frais de toilette étaient réservés aux grandes occasions: Mariage, baptêmes ou funérailles.

C'est ainsi et le plus simplement du monde qu'ils s'intégrèrent à notre monde dans ce petit village du centre de la France mais leur arrivée modifia en profondeur l'atmosphère dans notre petite école même s'il nous fallut bien longtemps pour savoir jusqu'à quel point cela avait été vrai.

C'est Madeleine qui s’est rapidement révélée comme un élément clé, aujourd’hui on dirait un leader parmi les autres enfants.

Mais elle s’imposa à sa manière bien à elle de telle façon que jamais nul ne pensât à en prendre ombrage.

Elle était toujours la première à répondre aux questions de l’institutrice qu’elle étonnât très rapidement par la précocité et la justesse de ses réponses tant et si bien que cette dernière finit par s’arranger pour ne pas lui donner systématiquement la parole mais sans que la petite ne semblât jamais en être autrement fâchée

C’est très souvent aussi que son cahier se glissait plus qu’il n’eut fallu vers sa gauche, en direction de son voisin, André, qui y jetait souvent de nombreux et rapides coup d’œil.

Le manége n’avait bien sûr pas échappé à l’institutrice mais elle faisait comme si elle n’avait rien vu d’autant qu’André améliorait ses résultats de façon spectaculaire et semblait prendre plaisir aussi à travailler seul.

Elle eut autant de succès dans la cour de récréation où elle réussit l’exploit de faire partager des jeux communs aux garçons et filles alors que jusqu’à alors chaque groupe s'épiait avec méfiance et évitait de trop se mélanger attendant plus tard pour le faire mais ne le sachant pas encore.

Ils arrivaient chaque matin, tous les deux se tenant par la main, le plus grand protégeant visiblement sa petite sœur et leurs mains ne se déliaient qu'une fois la grille d’entrée franchie comme s’il consentait enfin à se décharger de sa tâche de protection et de surveillance.

Il savait aussi certainement qu’il avait un suppléant assidu en la personne d’André qui était devenu en peu de temps le véritable chevalier servant de Madeleine et, en état de perpétuelle adoration, prenait son rôle fort au sérieux et gare à celui qui aurait pu pousser la plaisanterie un peu trop loin, ses muscles naissants savaient déjà dissuader les plus téméraires parmi ses camarades toujours prêts à tirer sur des nattes voire à soulever en courant quelques jupes

Ils allaient aussi à l’église du village et assistaient aux offices en compagnie de mademoiselle Domange qui les y emmenaient chaque dimanche matin à la messe de 10 heures et ils suivaient très précisément les indications du prêtre et copiaient exactement leur attitude sur celle de leurs plus proches voisins

Et les vacances finirent par arriver. Beaucoup d’hommes étaient absents pour cause de guerre, prisonniers, morts ou combattants sur des théâtres d’opérations lointains.

Ils allèrent donc dans les fermes où vivaient leurs camarades de classe pour donner des coups de main à la hauteur de leur âge et de leur culture citadine mais partout où ils allaient, ils furent toujours accueillis à bras ouverts et c’est ainsi que souvent ils restaient aux repas de fin de battage, le visage illuminé de bonheur et de plus en plus bruns de peau sous la caresse des rayons du soleil d’été et ressemblant ainsi de plus en plus aux enfants du village, généralement noirauds et de cheveux noirs

Un jour, Pierre se retournant vers sa sœur et l’apercevant de loin cria:

-Sarah!!!

Le masque heureux se déchira d’un coup sur leurs deux visages et ils restèrent un instant immobiles et figés dans cette cour de ferme où chacun s’activait à des tâches diverses

Le garçon jeta un regard furtif autour de lui mais personne n’avait semblé prêter attention à ce prénom étrange à cette époque, dans un village du centre de la France.

André, seul, avait entendu ce vocable et, quand se reprenant, Pierre héla à nouveau sa sœur sous son prénom ordinaire et sous lequel elle était connue à l'école et dans le village

-Madeleine!!!

Il enregistra le fait bien décidé à, un jour, tenter d’obtenir quelques explications...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

En allant à la pêche j'ai récupéré ton fil atom qui a bien voulu se laisser prendre aujourd'hui...Ainsi, je n'ai pas manqué de lire cette histoire qui laisse présager une suite des plus ténébreuses...

claude a dit…

Je ne savais pas que mon blog cachait du fil à pêche mais l'informatique a des côtés si mystérieux!
A demain donc pour la suite...;-))
Rassures toi, ce n'est pas très long.

Anonyme a dit…

Ma petite maison dans la prairie !!! :-)

Pas bien compris sur la fin, c'est vraiment André qui a crié "Sarah", c'est pas Pierre ??

J'attends la suite avec impatience...

claude a dit…

elle est vraiment chouette ta petite maison dans la prairie;-)
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C'est Pierre qui emploie le vrai prénom de sa soeur, Sarah.
André, lui, ne fait que l'entendre ce prénom...

Suite demain matin, promis!
Bisous
Claude

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