8.3.06

L'arrêt


L’ARRET



L’arrêt du moteur au milieu de la nuit rendit le silence de la campagne environnante encore plus lourd.

En se refermant, la portière du véhicule rendit un bruit métallique et comme définitif.

Il s’immobilisa un instant juste devant le moteur. Il lui sembla ressentir comme un peu de chaleur venir lui frôler une main, probablement de la chaleur dégagée par le moteur suite à la longue course qu’il venait d’effectuer.

Tous ses sens aux aguets, il perçut le vol ouaté d’un oiseau de nuit certainement dérangé dans ses activités à son arrivée et venant inspecter l’arrivée de l’intrus

Plus haut, sur la colline, une lumière clignota deux fois comme un signal. Il attendit un instant que cette brève lueur se manifestât à nouveau mais en vain et cette partie de l’horizon resta définitivement obscure. Il leva doucement les épaules et avança de quelques pas

Un nuage cacha un bref moment la lune, l’oiseau de nuit peut être satisfait de son inspection ou pour manifester sa réprobation ulula sur trois notes discordantes

Il connaissait l’endroit et il savait que plus bas coulait la rivière. Plus jeune, il y avait attrapé des truites aux reflets gris argent qui se cachaient sur les lits de pierrailles recouverts de longues herbes ondulant dans le sens du courant

C’est là aussi qu’elle le rejoignait. Quelquefois, elle fredonnait une quelconque chanson en descendant la pente mais parfois, elle aimait à le surprendre et lui mettre les mains pour cacher ses yeux et lui dire à l’oreille »Je suis la sorcière de la rivière verte». Il faisait alors mine de frissonner et quémandait sa clémence pour ses fautes passées.

Souvent, ils faisaient ensuite l’amour dans l’ombre des ruines du vieux moulin

Il fit quelques pas supplémentaires. L’obscurité était maintenant totale et le silence encore plus lourd. L’oiseau de nuit, ayant peut être regagné son gîte, s’était tu

Un vent léger dérangea quelque peu une méche de ses cheveux et d’un geste machinal, il se passa la main sur le front pour la remettre à sa place

C’est l’odeur qui se manifesta en premier, une odeur fraîche de foin coupé et celle un peu plus lourde d’autres fleurs de l’été.

Il eut l’impression d’un mouvement tourbillonnant comme si l’odeur entourait son corps comme le fait une liane enserrant un arbre avant que d’atteindre ses narines

La douceur d’une étoffe légère et aérienne vint frôler un coté de sa joue. Il ne tressaillit pas, il ne bougea pas.

Le silence était maintenant si total qu’il lui sembla se poser comme une chape sur ses épaules

Et maintenant, il sentit la caresse du bout d’un doigt puis d’une main qui vint doucement s’appuyer juste au dessous de l’oreille. Le contact froid le fit frissonner et il courba la tête

Une forme souple et flexible se colla à lui pendant que lentement des pans de vêtements flottants vinrent s’ajuster à son corps en commençant par les épaules.

Plus tard, un petit rongeur fit le tour de la voiture et prestement s’enfuit en dérangeant à peine quelques brins d’herbe sèche

Le grand-duc se remit en chasse et signala sa présence de son lugubre cri en survolant le véhicule maintenant refroidi

C’est un chasseur qui signala quelques jours après la présence surprenante d'une automobile à cet endroit dénué de tout chemin d’accès et sans traces de roues visibles pour l’atteindre.

L’enquête fût lancée par les gendarmes de l’endroit.

Les investigations rapportèrent que la plaque d’immatriculation était celle d’un véhicule accidenté voici quelques années et où une jeune femme avait trouvé la mort.

L’explication retenue fût celles de gens peu scrupuleux ayant récupéré les plaques d’une manière quelconque et abandonnant en cet endroit insolite la voiture après s’en être servi.

D’autre part, aucune disparition n’ayant été signalée dans la région et les gendarmes ayant bien d’autres choses à faire, l’affaire fût bientôt classée et s’arrêta définitivement là.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Etrangeté que ce récit à te donner le frisson, un peu de douceur, un peu de détresse glissent dans l'ombre des mots...

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