10.1.06

varanasi

Varanasi, ça vous dit quelque chose? En Europe, on dit Benares. Alors, ça va mieux? Sauf que le vrai nom, c'est le premier cité. Au confluent de deux riviéres, une ville aux allures d'apocalypse, la ville des morts. Pour un Hindou, pas de plus cher désir que d'y mourir, d'y être incinéré et de cloturer là son Karma, son cycle sur cette terre et enfin pouvoir s'abimer dans les félicités de la grande âme universelle. Tout une philosophie complétement étrangére à nos façons de penser façonnées par cette longue filiation judèo-chrétienne. Une ville qui nous prend aux tripes, nous fascine et nous épouvante, une ville et un pays dont on ne ressort pas indemne.
Le spectacle m'a inspiré ces lignes pensées sur un Ghât descendant vers le Gange à 6 heures du matin et le spectacle entrevu me hante encore aujourd'hui.
Bonne lecture





A VARANASI

Je vois des profondeurs de Ganga la mère
Surgir les monstres noirs, gardiens des enfers

Ils crèvent la calme surface d’un bond ruisselant
En explosion liquide face au soleil levant.

Je vois la lumière poudrer d’or les caravansérails
Et, sur le ghât, où un chien perd ses entrailles
Un mendiant monte les marches en boitant
Sur son visage semblent couler des larmes de sang
Des nonnes en sari blanc s’offrent en silence
Bras ouverts, yeux fermés, au fleuve et sa puissance.

Autour des bûchers funéraires, évitant les sâdhus,
Des diables fourgonnent avec de longs bambous
Dans
les cendres où corps et arbres se rejoignent
Dans une union où de hautes flammes témoignent
Des retrouvailles ultimes du constituant élémentaire,
De l’atome universel avec sa matrice stellaire.

Des enfants rient et se lancent dans le fleuve
Dans une explosion de soleil et de joie toujours neuve
Et éclaboussent d’un geste l’impassible brahmane
Assis prés du fleuve où il psalmodie et clame
Sa foi et sa croyance en ses multiples dieux
Et leur cohorte hétéroclite qui sillonne les cieux.

Les trottoirs sont comme un ruisseau de vermeil
Où s’étalent de larges taches rouges au sang pareil
Ils conduisent hommes et bêtes en un tourbillon
Où des yeux égarés fixent un autre horizon.

Seule, hiératique, drapée dans un sari safran
Que l’eau colle à son corps et le rend transparent
Plus que nue dans l’innocence de la mère originelle
Une jeune fille dénoue sa chevelure où étincellent
Des reflets changeants comme dans une rivière
Où se jouent en frissons mille parcelles de lumière.

La mort rode et veille en ces lieux de fin du monde
Le fleuve passe indifférent et entraîne dans son onde
Les cendres de ceux en route vers leur renouvellement
Les es
poirs et les vœux de ceux encore vivants.

Face à la rive où sèche le linge étendu sur le sable
Tête penchée, un vieil homme attend un sort inévitable.
A Varanasi que d’autres appellent encore Bénarès
Un jour nouveau commence, un jour où rien ne presse.

Claude


PS: J'ai appris bien plus tard que mes gardiens des enfers étaient en fait des dauphins d'eau douce qui s'ébattaient ainsi au soleil levant. Tans pis pour la véracité des choses, mais je ne veux pas en changer un seul mot à mes impressions

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