27.1.06

Mozart, tout simplement


J'écoute, seul, dans ce grenier qui me sert de bureau le requiem de Mozart. Et je laisse la magie à nouveau opérer en moi et la musique m'envahir. Un homme du 18ième siècle me parle, s'adresse à moi, homme d'un autre temps, d'une autre époque, bardé de techniques, environné de gadgets hit-tech.

Et ce que dit Mozart me touche infiniment. Mozart va mourir et le sait. Ce requiem est son chant du cygne lui qui tant en avait toute la grâce.

Et, inflexible, se déroule la liturgie; de l'introït, où brutalement l'esprit s'élève dès la première note, sans une seconde de répit, immédiatement prêt à répondre à cet appel pressant et irrésistible qui va inlassablement se dérouler pendant l'exécution de l’oeuvre.

Et dans ces instants où des voix se cherchent, s'accordent et se déprennent, c'est tout le tragique et la grandeur de la destinée humaine qui s'offrent à mes oreilles et pénètrent profondément en moi

Mais dans cette oeuvre, Mozart dépasse le cadre d'une destinée individuelle, c'est au genre humain qu'il s'adresse dans ce Requiem où le désespoir constamment émerge mais côtoie soudain l'allégresse et l'élégance qui sont la marque de ce génie, comme si, malgré tout, la lumière ne voulait pas céder, pas encore, devant l'irruption des forces de la nuit

Autour de moi, le village s'est endormi, une bourrasque vient de se lever et plaque de gros flocons de neige sur les vitres exposées au nord.

« Mehr Licht » "Plus de lumière", les derniers mots de Goethe sur son lit de mort. J''ai en moi des irrésistibles envies de printemps, de soleil et d'arbres qui verdissent

Mozart, Goethe et tant d'autres et dans tant de domaines! Qu'a donc eu ce siècle, ce dix huitième qualifié de siècle des lumières, pour être cette période si privilégiée mais si courte de l'histoire des hommes?

Aujourd'hui, nous sommes au sommet des techniques, ils furent au sommet du génie et de la grandeur de l'esprit humain

Et soudain, je crois percevoir et comprendre le message que portent ces voix qui rebondissent sur les murs et emplissent l'espace de la vieille bâtisse où actuellement je vis

Mozart ne pleure pas sur ses propres fins dernières mais sur cette période si faste et si fragile qui fût la sienne. Il pressent, il sait que ce siècle des lumières va se terminer et que peu à peu les ténèbres vont venir obscurcir les horizons de notre monde

Il voit peut être les tragédies qui s'amoncellent et dont est grosse cette période toute de grâce et de légèreté.

Ces foules ivres de fureur lancées éperdument à la destruction de l'ordre ancien, ces confrontations cataclysmiques, ces deux conflits mondiaux où tant de Mozart en herbe disparurent dans la boue des tranchées, dans des camps faits pour exterminer

Les temps de barbarie sont en marche et nous envahissent et ce contexte particulier donne tout son poids au message de Wolfgang Amadeus, cet aimé des dieux et le mécréant que je suis lui envie cette relation avec la divinité

Et j'écoute cette voix qui s'élève et qui veut malgré tout entretenir la flamme de l'espoir éternel

Et soudain, dans cette nuit qui m'entoure et m’étreint, je sens une boule qui monte et me serre la gorge, un long frisson me prend et j'ai soudain envie de pleurer.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

oui oui...comme je te comprends
(dis donc un homme qui reconnait tout haut comme ça qu'il est pris par l'émotion, c'est précieux...et rare...j'aime...
Coumarine

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