Mon père
J’ai très peu connu mon père, si peu en fait que son absence m’a longtemps semblé normale d’autant que, enfant de divorcés, ma mère ne me l’avait pas présenté sous son meilleur aspect.
La seule image que j’ai de lui est celle où il apparaît sur la photo de ses noces, photo miraculeusement retrouvée chez un voisin et où apparaît comme un jeune homme souriant avec une épaisse chevelure très brune qu’il gardera à peine grisonnante jusqu’à ses derniers jours
Je n’écris pas aujourd’hui pour régler des comptes ni pour savoir qui avait raison dans ces sordides histoires qui ont précédés la séparation de mes parents.
Il buvait, ça je le sais, comme tant d’autres malheureusement à son époque et dans certaines régions de France, la Bretagne en particulier
J’ai passé avec lui deux fois un mois lors de mes vacances scolaires alors que j’avais 13 et 14 ans. Je crois qu’il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour me rendre ces séjours agréables et s’il buvait encore, il s’est arrangé pour me le dissimuler le plus possible.
Je sais aussi qu’il a pris avec patience et pardonné sans faiblesse les frasques nombreuses d’une préadolescence turbulente.
Je l’ai croisé ensuite une fois encore et ce fut ensuite un long silence de plus de 17 ans pendant lesquels les ponts entre nous furent coupés.
Je l’ai retrouvé dans la région dont je suis originaire sur indication d’un tiers. Il était revenu à ses origines et vivait dans ce que nous appelons aujourd’hui une maison de repos et qu’à l’époque on dénommait hospice de vieillards sans plus de précautions oratoires, un lieu en d’autres termes où les indigents s’en venaient pour y finir leur vie
La rencontre s’est faite sans mots inutiles après tant d’années de séparation. C’est là qu’il a découvert qu’il était trois fois grand père.
Nous lui avons rendu visite à quelques reprises et à chaque fois, il avait préparé une surprise modeste pour ses petits enfants. Je pense que ces visites ont été pour lui un vrai rayon de soleil pour la brève période qu’il lui restait à vivre
Je garde un souvenir prècis de cette époque. Les pensionnaires de la maison où il vivait avaient organisés une fête et je me souviens du regard éberlué tout d’abord et émerveillé ensuite des deux aînés qui découvraient un grand père revêtu d’une sorte de longue chasuble de couleur bleue avec à la main une sorte de baguette magique. Il jouait alors le rôle d’un magicien dans le petit spectacle donné en l’honneur des visiteurs
C’est la dernière vision que j’ai de lui, ce père qui montait sur les planches pour la première fois de sa vie et heureux de le faire sous les yeux de sa famille retrouvée
Il est mort au début de l’été suivant avant que nous ayons eu le temps de revenir sur nos lieux de vacances.
Sa mort a été rapide et il n’a pas eu droit à l’aumône du regard d’un proche pour l’accompagner et peut être l’apaiser dans ses derniers instants.
J’ai pu assister à ses obsèques et ce fût tout.
Quelque temps après, j’ai reçu par la poste un modeste paquet. Mon héritage en fait: Une paire de lunettes non adaptées à ma vue, une montre de poignet en état de non fonctionnement et, absurdement, un peigne, un grand peigne d’écaille divisé en deux parties comme on les faisait à cette époque, un coté avec les dents serrées et l’autre moitié avec des dents plus larges
La seule chose de lui qui ait subsisté à mes nombreux et successifs déménagements, c’est le peigne d’écaille et lorsque je le tiens entre les mains, j’ai encore aujourd’hui le regard qui s’embrume et le cœur qui se serre
Et après toutes ces années passées des questions viennent souvent me hanter : Qu’a-t-il fait de toutes ces années où nos vies ont été séparées ? A-t-il eu besoin de moi ? A-t-il tenté de rentrer en contact avec moi et lui ais manqué ?
Je ne sais rien de tout ces moments perdus et je ne le saurai jamais.
Et une autre question me vient aussi à l’esprit et me poursuit. L’ais je appelé une seule fois dans ma vie Papa, je n’en sais rien et je pense pouvoir répondre par la négative
Et aujourd’hui, alors que je le revois encore dans sa longue robe bleue de magicien dans la lumière de quelques projecteurs, je voudrais pouvoir me tourner vers lui, lui ouvrir les bras et lui dire : Papa, j’ai besoin de toi !
Claude
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Monde de couleurs et d'images, monde sans cesse le même mais toujours recommencé et que je vous convie à parcourir en ma compagnie avec le vent pour compagnon à nos semelles
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