29.8.06

Je n'aurais pas du...

J’avais pourtant juré de ne jamais y remettre les pieds. Pourtant c’est ce que j’ai fait, vous savez bien sûr ce que vaut ce genre de promesses, n’est ce pas ?
Ce bistrot à l’angle des rues de Clichy et de Milan est toujours le QG des journalistes du journal professionnel où elle était rédactrice dans un autre temps, dans une autre vie.
Je me suis assis à la table de coin que nous aimions occuper lorsque nous le pouvions
Elle m’avait présenté à ses collègues journalistes, des forts en gueule pour la plupart et qui menaient grand train dans ce petit café qui leur tenait lieu de cantine
Ils avaient compris que nous préférions rester un peu à l’écart et nous laissaient en paix le temps du repas.
J’arrivais en général le premier et lorsque j’apercevais ta silhouette apparaître sur le trottoir d’en face, mon cœur commençait à battre la chamade
Nous savions que c’était sans espoir, les semaines nous étaient comptées puis ce furent les heures puis les minutes…
Parfois nos regards s’accrochaient comme pour se rappeler les plus infimes détails de nos traits respectifs, comme pour les graver à jamais dans nos mémoires
Aujourd’hui, avec le temps qui anéantit tout, il semble me souvenir que des flammes vertes couraient au fond de ses yeux et que la fossette de droite était plus creusée que celle de gauche lorsqu’elle souriait
J’avais juré de ne pas y revenir dans ces lieux mais vous savez, comme moi, bien sûr ce que valent ces promesses.
J’ai refranchi la porte et j’ai cherché des yeux les serveurs de ce temps là. Quelle folie, après tant d’années passées depuis ce bref temps de bonheur dont les hasards de la vie nous avaient fait crédit et dont je continue, aujourd'hui encore, à payer les intérêts
Un jour, pour je ne sais quelle raison, au moment de l’addition, le patron était venu avec une bouteille de cognac et nous avait offert une tournée et je t’avais longuement observée au travers des parois lisses de ce verre où reposait le liquide ambré et gravement nous avions trinqué sans dire mot. C’était peu de temps avant que nos chemins divergent et peut être que pour une mystérieuse raison le patron l’avait il deviné et mesuré la fragilité de nos amours condamnées.
Tant de mois, tant d’années ont passé et la vie aussi est passée depuis que nous sommes partis chacun de notre côté.
Je n’aurais pas du franchir ce seuil, je me l’étais promis mais vous savez comme moi comme sont illusoires ces promesses qui ne demandent qu’à être oubliées.
Je me suis assis à cette même table qui pour un temps nous avait accueilli
Je n’ai pu m’empêcher de regarder le trottoir d’en face dans l’espoir vain d’apercevoir ta silhouette
Qu’as tu fait de ta vie ? As-tu, comme moi, saccagé avec une belle constance ce court passage qui nous est octroyé pour arpenter cette vallée de larmes ? Et si, comme moi tu souffres maintenant d’insomnies, vois-tu, entends-tu, aperçois-tu un fantôme comme celui qui hante mes souvenirs ?
Un fantôme qui danse et qui chante revêtu d’une robe légère, une robe accordée à ce flamboyant été parisien où mon coeur est définitivement entré en hibernation

Claude

9 commentaires:

Wictoriane a dit…

J'ai vécu semblable histoire (sans le cognac...)
Lui aussi pourrait pu écrire ce genre de passage en mémoire, je pourrai même écrire une réponse si j'en prenais le temps. Un jour peut être.

Bises, Claude

claude a dit…

Ah, ben! Chiche alors pour ton histoire même sans cognac
grosses bises à toi, Wictoria

Anonyme a dit…

Fichue mémoire, qui cisèle nos espoirs sur le fil d'un rasoir...

Très beau texte Claude, on a envie qu'Elle apparaisse de l'autre côté du trottoir.

Des bisous

claude a dit…

C'est bien joli ta phrase sur le fil du rasoir mais c'est le meilleur moyen de se couper non?
Gros bisous, Véro

Wictoriane a dit…

Hi hi que de veronique ici ;)

claude a dit…

Ben, tu savais pas que mon fan club était uniquement composé de Véro?
(2 à ce jour)
;-))

Wictoriane a dit…

Et bien voilà...c'est fait !

Wictoriane a dit…

Et bien voilà...c'est fait ! J'ai rassemblé un peu de souvenirs ici et j'y parle de toi en préambule, rendre à Cesar...

http://chroniquetemperdu.blogspot.com/2006/09/rencontre.html

Bises, @ +

claude a dit…

Merci d'avoir relever le challenge. On a donc tous de ces souvenirs qui s'incrustent et perpétuent de très lointaines histoires...
Parfois, j'aimerais disposer d'une touche "delete" mais je ne sais pas si ce serait une bonne idée.
Merci pour la pub et le poème est vraiment très beau
Bises VW

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