29.4.06

L'allée

L’ALLEE

Putain de merde !

Le juron lui vint spontanément aux lèvres qu’il prononça à haute voix dans la nuit profonde.

Une souche qui dépassait sur le chemin d’accès à la propriété et que de jour il n’avait jamais remarqué avait failli le faire s’étaler de tout son long

Il s’arrêta un instant. Le seul bruit audible était celui des feuilles de chêne que le vent faisait doucement bruisser au dessus de sa tête

Un nuage passa devant la lune et l’obscurité se fit plus profonde. Il frissonna et remonta le col de son manteau

100 mètres, 200 mètres, d’après ses estimations, c’est ce que devait mesurer l’allée.

Après c’était la cour pavée de vieux blocs disjoints et au fond la maison.

Elle aurait pu allumer au moins la grosse lampe extérieure car tout n’était que noir absolu autour de lui

Il mit la main dans sa poche et sentit la présence tiède de son portable dans sa paume. Il fût sur le point de l’appeler mais se ravisa.

Il lui sembla préférable de frapper à l’huis comme il l’avait fait tant de fois et attendre que sa voix se fasse entendre au travers de la lourde porte

Il se remit en route, regrettant de n’avoir pu conduire sa voiture jusqu’au perron mais bien sûr la grille était fermée et seul le portillon de côté s’était ouvert sans difficulté pour le laisser passer

Presque inconsciemment, il bifurqua sur la droite pour poser sa main sur le tronc d’un des chênes séculaires, moitié pour se repérer, moitié pour sentir une présence rassurante.

Il secoua la tête

-Bon Dieu, à mon âge, je ne vais pas quand même avoir peur du noir

Il revint vers ce qu’il estima être le milieu de l’allée et se remit en marche

Soudain, à peu de distance et derrière lui un bruit furtif se fit entendre comme une bête en chasse ou rejoignant sa demeure. Un mouvement léger qui s’arrêta aussitôt quand il toussota discrètement

Levant les yeux, il distingua deux ou trois étoiles doucement scintillant contre le noir d’encre de la nuit

Il continua sa marche en avant. Il avait hâte d’arriver maintenant et de retrouver le feu dans l’âtre et le couvert qu’elle savait si bien dresser.

Un repas d’amoureux, des lumières atténuées habillant de lumières douces les murs et leurs courbes de vénérables pierres

100 mètres, 200 mètres, la distance aurait du être depuis longtemps franchie lui semblat-il mais sous ses pas, c’était toujours le même revêtement inégal et les troncs tarabiscotés des chênes bordaient toujours les bas côtés

Il enfouit plus profondément ses mains dans son manteau car il avait vraiment froid maintenant et il pressa le pas

Très loin, il entendit un bruit de klaxon et curieusement, un oiseau de nuit sembla lui répondre d’une plainte modulée plusieurs fois

Une coupe de champagne bien frais, il imagina le mouvement des bulles dans leur flûte et son sourire vu au travers du liquide jaune et puis aussi ce Bourgogne que tous deux aimaient bien pour accompagner le repas.


Soudain, il poussa un cri de surprise et quelque chose comme le début d’un hurlement

Dans l’allée, les feuilles des vieux chênes s’agitèrent comme si une main géante avait ébouriffé la cime des arbres…



C’est un garde-chasse faisant sa tournée qui trouva le portable dernier cri encore chargé sur ce chemin forestier ne menant rigoureusement nulle part et très loin de la route la plus proche.

Poussé par la curiosité, il appuya sur la touche « ON », l’écran fluorescent se mit à luire dans les lueurs du petit matin.

Un signal commença à palpiter doucement Vous avez un nouveau message- s’inscrivit dans la fenêtre.


Il mit l’appareil à l’oreille et appuya sur la commande idoine.

Une voix féminine se fit entendre

-Je t’ai attendu une partie de la nuit. Tu n’as même pas daigné me dire que tu ne viendrais pas. Inutile de continuer comme ça et inutile d’essayer de me rappeler. Adieu !!!


Claude

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Frissons, quelle chute !! On dirait du Edgar Allan Poe...
Brrrrr...

claude a dit…

C'est au point que moi même, je n'ose plus sortir de nuit dans mon jardin de nuit;-))

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