14.4.07

Le pull




LE PULL

En l’attendant, je branchais ma chaîne hi fi sur une station de radio classique. Brahms succédait à Chopin et le bruit déchirant d’un violon qui pleure précédait les cristallines voix de soprani mozartiennes dialoguant à l’infini…

Et je guettais ses pas montant l’escalier qui menait à l’appartement.

Quand j’ouvrirai la porte avant quelle n’ait eu le temps de frapper, je sais qu’elle sourira en même temps que je le ferai en retour
Selon la saison, elle portera son long manteau qui descend très bas, presque jusqu’aux chevilles et qui lui amincit tant la silhouette ou alors cette veste verte légère et elle posera l’une ou l’autre pièce de vêtements sur le canapé du fond.

Commenceront alors ces longues séances d’échanges, nous parlerons à bâtons rompus sur de sujets les plus divers sans que vienne s’instaurer ce sentiment de gêne que je connais bien quand je m’ennuie face à un interlocuteur (et cela m’arrive souvent)
A ces moments, j’ai peur de me trouver à court de mots alors que insidieusement s’instillent la lassitude et la nécessité de devoir trouver un autre sujet alors qu’on n’a pas encore tout à fait fini celui dont on s’entretient.
Et les phrases deviennent de plus en plus difficiles à franchir la barrière des lèvres et les idées de plus en plus dures à coordonner pour enfin tomber dans un silence contraint que je romps en racontant n’importe quoi tout en souhaitant que cet entretien se finisse au plus vite…

Je n’ai jamais eu cette sensation pendant nos rencontres et s’il est arrivé que le silence s’installe parfois brièvement entre nous, les accords que nous entendions venir du fond de la pièce suffisaient à combler les quelques vides que nous laissions entre nos paroles.
Nous tentions alors de découvrir le nom de l’œuvre ou celui du compositeur et je perdais à tous les coups, je n’ai malheureusement aucune mémoire musicale et si j’apprécie par-dessus tout la musique que l’on qualifie de classique, je suis un vrai handicapé quant à la dénomination des œuvres…

Le froid s’était attardé sur Paris cet après midi là et je m’étais aperçu qu’elle avait ramené sa veste légère d’un geste frileux sur sa poitrine, j’avais donc été chercher dans l’armoire de la chambre l’un de mes pulls en cachemire pour le lui tendre. Elle l’avait mis sur ses épaules et noué les manches à son cou et j’avais bien aimé le spectacle qu’elle présentait avec ses cheveux blonds au dessus de cette masse enroulée en teintes légères de gris.

Et puis elle avait du repartir de l’autre côté de Paris là où elle habitait ce qui impliquait plus d’une heure de trajet et elle n’aimait pas trop se déplacer en transports en commun après une certaine heure du soir

Elle m’avait redonné mon pull que j’avais placé sur le valet de la chambre avant de le remettre plus tard à sa place dans l’armoire.

Je me suis activé quelque temps à ranger salon et cuisine et puis comme l’heure déjà était avancée, je me suis mis au lit

Je me suis réveillé dans la nuit avec la sensation d’une présence à mes côtés.
Pleinement réveillé maintenant, j’ai haussé les épaules et je me suis retourné pour essayer de retrouver le sommeil mais, lumières éteintes, cette même sensation est revenue et j’ai actionné la lampe de chevet placée à mes côtés
J’ai balayé du regard la chambre et c’est là que mon regard s’est attardé un instant sur le pull bien rangé sur le valet et j’ai eu la certitude que la sensation que je ressentais était beaucoup plus qu’une simple illusion et s’appuyait sur un élément matériel

Je me suis donc levé et j’ai soulevé le pull. Et soudain, j’ai compris: Le parfum, son parfum, celui qu’elle utilisait en permanence.
Et je me suis souvenu qu’elle m’avait dit : -Il va sentir bon, ton pull!!!
Je n’y avais pas prêté trop d’attention mais voilà qu’une odeur, la sienne, emplissait la chambre de sa présence.
D’un mouvement machinal, j’ai plongé mon visage dans cette douce symphonie odorante.

C’est alors que j’ai eu une violente pulsion sexuelle, irrépressible et imprévue
Tenant toujours mon vêtement contre mon visage, respirant cette magie que savent exprimer les parfums de qualité, je me suis étendu à nouveau sur le lit
Couché sur le dos, ma main est descendue à hauteur du sexe qu’elle a enserré machinalement et j’ai laissé ses mouvements se faire de plus en plus insistants, de plus en plus pressants alors que j’avais posé mon cachemire au creux de mon épaule….

Un simple exercice de masturbation me direz vous. Oui, bien sûr et vous aurez raison et tort tout à la fois car ce plaisir par essence solitaire s’est partagé entre fantasmagorie pure et réalité d’une odeur prenante, je caressais en fait en pulsions olfactives sa deuxième peau laissée là à ma disposition après qu’elle eut quitté l’appartement

J’ai donc fait l’amour sans honte ni pudeur avec une odeur et cette pensée ne m’a pas quitté jusqu’au au moment où s’est enfin déclenché l’orgasme en longues secousses libératrices
J’ai fait l’amour à une odeur dans le silence d’une chambre dont chaque recoin d’espace était empli d’une omniprésence pleine et singulière…
J’ai fait l’amour à une image revêtue de parfum…
J’ai mimé les gestes de l’amour en respirant un parfum habillant une image…

Depuis longtemps maintenant, ce parfum a rejoint le doux paradis des fragrances fragiles qui passent et s’évanouissent en ondes légères et odorantes mais le pull, lui, est toujours bien là et ce n’est pas sans trouble que je le déplie pour devoir affronter les frimas de l’hiver quand encore une fois le moment en est venu

Claude



11 commentaires:

claude a dit…

ben non!!!
Tu crois que je le devrais, vraiment?

Je t'embrasse

Claude

Anonyme a dit…

oui Claude.
parce que parfois les rêves se réalisent. parfois...

j'adore quand tu réponds à une question invisible !

Lou, l'heure bleue.

Anonyme a dit…

C'est magnifiquement écrit. Et très émouvant...
Des bisous

claude a dit…

salut Véro et de gros bisous à toi

Claude

Anonyme a dit…

Et c'est toi qui viens me dire eh, bé sur ma petite note de jouvencelle...

claude a dit…

ben, dis, ta note de jouvencelle comme tu la qualifies était pas mal évocatrice elle aussi...
Et pour répondre à ta question sur ton blog: Oui, j'aime les gares (j'ai écrit un truc sur les gares parisiennes si je me souviens bien mais je ne sais plus où c'est dans mon blog pfff!)
C'est peut être pour ça que j'habite à 2 pas de la gare de Lyon.
J'aurais du choisir gare de l'est sans nul doute pour guetter ton arrivée dans la capitale ;-)))

Je t'embrasse, belle Ambre

Claude

Anonyme a dit…

Tu m'attendrais en vain. Viens plutôt gare du Nord. C'est là que tu me reconnaîtras.

Besos

claude a dit…

je cours immédiatement vers une agence immobilière pour voir s'il n'y aurait pas un appart avec vue sur cour à vendre ou à louer (vue sur cour ...de gare du nord bien sûr),-))

Anonyme a dit…

Achète plutôt une paire de jumelles. Vu mon format timbre poste elles te seront plus utiles.

claude a dit…

je prévois aussi les brucelles pour prendre soin de toi?

Anonyme a dit…

C'est bon. Que je ne sois pas à prendre avec des pincettes, c'est plutôt rare quand même.

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