3.4.07

Cimetière (presque) sous la lune






Je vais vous raconter une histoire. Une petite, rassurez vous.
C’était il y a bien longtemps sur une route toute plate entre Chennai et Pondichéry, dans l’Inde du Tamil Nadu donc.
Je rentrais à mon hôtel isolé sur la côte, le Fisher’s Cove, et l’après midi déjà s’étirait
Pas grand chose à voir sur cette route étroite et qui longeait un paysage de dunes.
De l’autre côté c’était la mer du golfe du Bengale, ses longues plages de sable blanc et son lancinant rouleau plus loin au large
Soudain, j’ai cru apercevoir quelques choses dans l’étendue sablonneuse parsemée de touffes de plantes littorales
Des tombes avais-je cru voir
Il faut dire que dans ce pays qui incinère ses morts, au moins chez les hindouistes qui sont quand même plus de 85% de la population, les cimetières sont rares et étriqués sauf là où les musulmans sont nombreux (bien que présents en Inde, les chrétiens sont une petite minorité sauf en des points très précis comme Pondichéry par exemple)
J’ai donc demandé à mon chauffeur de bien vouloir s’arrêter et je me suis dirigé vers cet ensemble hétéroclite où j'avais cru apercevoir des croix
J’avais bien eu raison, il s’agissait bel et bien de croix posées sur des tombes, toutes peintes de couleurs pastel
Il y en avait une petite dizaine de ces sépultures et chacune d’une couleur différente, dans des nuances de verts, de bleus ou de jaunes.
Posées là, un peu bancales et orientées grosso-modo vers l’est, en direction de la mer en d’autres termes..
En me rapprochant encore, j’ai voulu identifier par leur nom ceux qui reposaient là
Mais à ma grande surprise, nul nom, nul date, nul moyen d’identification
Alors, d’où provenaient ils ceux là gisant en cette portion désolée de la côte du Coromandel: Des marins victimes d’un naufrage, que la mer a rejetés et à qui des mains charitables ont voulu rendre un dernier hommage ou alors une petite communauté de convertis comme on en trouve quelques unes dans la campagne indienne et qui est venue enterrer là ses morts?

Je ne le sais pas, je ne le saurai jamais d’autant que cette portion de territoire a souffert du dernier tsunami et peut être alors que l’océan est revenu pour reprendre son bien, peut être que mes naufragés sont revenus à l’élément liquide d’où ils venaient et alors ils sont morts une deuxième fois et avec eux ceux qui les avaient enterrés ou leurs descendants plus ou moins lointains
C’est curieux mais souvent je repense à cette image, celle de ces tombes aux douces couleurs pastel et je regrette de n’avoir pas eu d’appareil photo avec moi en ce début de soir là pour en fixer le souvenir dans une mémoire pas toujours très fidèle.

Oui, j’y pense de temps à autre à ces morts inconnus qui peut être dorment encore dans ces grands champs d’oyats
Il m’est arrivé de parfois penser à refaire ce voyage à l’envers, revenir à cet endroit précis où des hommes reposent sous des pierres et des croix doucement colorées et tenter de retrouver dans la magie d’une fin d’après midi indien ces navigateurs au long-court et moi les regardant, seul, dans un océan de dunes mais je n’y reviendrai pas, je le sais aujourd’hui.

Claude

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est en partie ça qui m'a fait décider de fuir les cimetières quand le temps sera venu pour moi : des noms, des dates... à quoi ça sert ?

Des bisous

claude a dit…

tu es une sage, Véro, la vie avant tout autre chose et lorsque le moment sera venu, s'évanouir dans le vent en route vers les étoiles

gros bisous

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