12.4.07

La main




C’était le troisième voyage en ces lieux qu’il faisait. Cette fois, il s’estimait être proche du but qu’il s’était fixé.
Ses recherches avaient commencé voilà bien longtemps, de bibliothèques privées en établissements publics à travers le monde.
C’est dans l’un de ceux là, à Lisbonne précisément, à la Biblioteca Nacional de Lisboa qu’il avait fini par pouvoir lire le parchemin qui manquait à sa quête, écrit voici longtemps par Pedro Alvares Cabral qui s’était inspiré des écrits d’un moine dont l’histoire a perdu le nom et adressé à sa très gracieuse Majesté catholique Sebastian premier
Un dictionnaire d’une langue de ces temps là, des dessins, des croquis et, fait rare, des descriptions de cérémonies païennes comme l’on disait alors mais l’on sentait bien que le rédacteur, à, défaut de comprendre, s’était efforcé de retranscrire ce qu’il voyait sans porter de jugement et encore moins sans condamner ce qui est exceptionnel à cette époque
L’ouvrage fournissait aussi des cartes qui, à défaut d’être précises, fournissaient quand même des renseignements précieux pour localiser ce qu’il était venu chercher là

Il avait pu convaincre des porteurs Amayas lors la traversée du dernier village de l’accompagner et il avait commencé sa lente progression vers les collines qu’il devinait à peine dans le lointain.
Il avait pu lors des campements nocturnes se rassasier de spectacles à couper le souffle. Accroupis autour d’un maigre feu avec ses porteurs indigènes, il avait laissé son imagination vagabonder et prendre son essor parmi les magnifiques constellations qui trouaient la voute céleste au dessus de lui.
A sa grande surprise, tournés vers certaines étoiles, ces derniers s’étaient livrés à des incantations dans une langue inconnue et en tous les cas, différentes de celles pratiquées dans cette région que maintenant il connaissait bien et il avait pensé qu’on était loin de tout savoir sur la connaissance des Indiens sur leur histoire ancienne et les cultes des temps reculés

6 jours de route avait-il prévu, 6 jours de difficile progression entre forêts denses et savanes à hautes herbes, au milieu des moustiques, des sangsues lors de la traversée des rios. Enfin, tous les inconvénients de la vie sous les tropiques mais il était en excellente forme physique et le but proche l’exaltait et lui fournissait le surplus de motivation dont il avait besoin pendant les moments vraiment difficiles
Ce fut soudain et ça se produisit l’après midi du cinquième jour. Les collines apparaissaient maintenant toute proches. Après une pause où il venait de s’éponger le front, les porteurs lui firent comprendre que leur rôle s’arrêtait là. Il eu beau tenter de les persuader de continuer avec lui, ils secouèrent la tête avec vigueur en montrant de signes évidents de terreur
De guerre lasse, il fit un tri de ce qui lui paraissait absolument indispensable à la poursuite de sa mission. Accroupis sur leurs talons, visages impassibles, ses deux compagnons le regardaient en silence. Il fit quelques aller et retour pour mettre en sureté ce qu’il laissait derrière lui. Ils ne firent aucun geste pour lui prêter main forte comme si un mur invisible les empêchait de faire un pas au-delà d’une certaine limite
Haussant les épaules, il continua à entasser dans son sac ses affaires et se remit en route. A un moment alors que la pente commençait à s’accentuer, il se retourna pour faire un signe en direction des deux hommes qui jusqu’alors l’avaient accompagné mais ils avaient disparu aussi poursuivi t-il son chemin lesté de quelques kilos supplémentaires

C’est dans la soirée du lendemain qu’il atteignit le point sensiblement à mi colline. De ce point, il pouvait nettement apercevoir le Punta Del Rey et l’Acurpara comme prévu dans le grimoire lu au Portugal. Au moment où le soleil fut sur le point de disparaître, le dernier rayon avant que la nuit engloutisse le paysage frappa un endroit de la paroi qui le dominait. Il mémorisa avec soin ce point et commença les préparatifs de son campement

Il fût réveillé tôt accompagnés par l’incessant et surprenant vacarme de la vie tropical au lever du jour: Oiseaux, insectes et des bruits non identifiables, peut être des singes hurleurs mais c’était loin du coté où s’épaississait la forêt
Dès qu’il fût prêt, il se mit en route en direction du point vu la veille. La pente était devenue franchement raide l’obligeant à des pauses de plus en plus fréquentes et c’est seulement dans l’après midi bien entamé qu’il arriva à ce point dont il avait depuis si longtemps rêvé : Une petite plate forme et, à peine visible, dans la parois rocheuse l’amorce d’une grotte.
Il posa sur le sol son sac et se redressa en poussant un soupir de soulagement en frottant ses reins endoloris
Il se mis à quatre pattes pour franchir l’entrée mais très rapidement les parois se redressèrent au point qu’il pu continuer sa marche en se tenant debout. Au fur et à mesure de sa progression, il sentit que la température baissait et c’est dans une relative fraîcheur qu’il lui était maintenant possible de continuer sa marche
Sur ses gardes au début, dans la crainte qu’un animal sauvage ait pu se servir de cet endroit comme tanière, ses craintes peu à peu s’évanouirent car rien n’indiquait que la grotte ait servi de refuge à qui ou quoi que ce soit. Le sol fait d’un sable de grés était agréable pour le déplacement et ne portait aucune trace de vie ancienne ou récente

Il atteignit enfin ce qui se présentait comme un cul-de-sac mais il savait sur quoi exactement quoi faire pour poursuivre plus avant
Et comme prévu, la paroi s’écartât doucement sans à coup pendant qu’une odeur étrange atteignit ses narines. Hésitant, il resta immobile pendant que son cœur accélérait ses battements, sa lampe frontale perçait l’obscurité devant lui dans ce lui paraissait être un pièce de dimensions relativement réduites et creusée à même la roche environnante
Il finit par enfin franchir le seuil et balaya l’espace qui s’offrait à lui de gauche à droite
Ce qui attira son regard, ce fût tout de suite des coffres de dimensions importantes posés là contre les murs, 3 à gauche, 2 à droite.
Il s’avança, les coffres lui paraissaient avoir été confectionnés de cuir animal et le temps les avait ridé de façon extraordinaire

Le cœur toujours battant fort, il s’approcha du premier et le rayon de sa lampe fit jaillir des reflets des objets qu’il découvrait : Des masques cérémoniels, des couteaux, des armes aussi apparemment, le tout finement ciselé d’une main sûre et artistique.
Fébrilement, il continua ses investigations, le deuxième coffre recelait ce qu’il reconnu comme étant des vêtements de cérémonie porté par les prêtres des anciens cultes, richement brodés avec leurs parures de plumes, le tout dans un état parfait de surprenante conservation.
Un autre coffre ouvert offrit un spectacle féérique de milliers de pierres précieuses et il ne put s’empêcher d’un faire couler une pleine poignée entre ses doigts et c’est comme si un fleuve de feu prenait naissance soudain avant que de revenir aux ténèbres
Rien que pour le plaisir des yeux, il s’amusa à recommencer à faire couler la rivière scintillante
Pour briser le silence, il dit quelques mots à voix hautes qui les murs lui renvoyèrent en forme d’écho si gênant que, très vite, il se contraint au silence

Une cavité creusée en retrait dans la roche attira soudain son regard. Il n’y avait pas immédiatement prêté attention et il se dirigea vers elle
Peu profonde, elle présentait une saillie sur laquelle était posé un boite oblongue d’environ une quarantaine de centimètres de large et quelques centimètres de haut et apparemment faite de la même matière animale que les coffres déjà explorés
Intrigué il pénétra dans cette niche. Pendant une fraction de seconde, il eut comme une hésitation puis se décida à offrir le couvercle
La représentation d’une main humaine, voilà ce qui s’offrit à sa vue et sa première réflexion fut d’en relever le degré extrême de réalisme et ce spectacle le troubla
Paume ouverte comme dans un geste d’invite, doigts légèrement écartés et le pouce faisant un angle de 90° avec le reste des doigts, elle présentait gravés ou »tatoué» à même la matière de curieuses représentations graphiques de ce qui pouvait être un quartier lunaire et l’ébauche d’une croix
Il se pencha vers l’avant pour mieux distinguer ce qui semblait être des symboles.
Alors qu’il accomplissait ce mouvement vers l’avant, la main sembla irradier une certaine forme de chaleur et puis, comme mus par un puissant ressort, elle quitta le tissu de couleur rouge sur lequel elle reposait et vint s’agripper à son cou
De surprise, il se recula et son premier réflexe fut de saisir l’objet et de tirer pour se libérer de son emprise mais, peine perdue, la main ou quoique cela fût, serrait maintenant de plus en plus. Saisi par la panique et la respiration complètement coupée, il voulu se mettre à hurler sans plus de résultat qu’une vague plainte étouffée. La pression devenait de plus en plus forte et ses deux mains posées sur l’étrange main ne lui étaient d’aucun secours.
Tout à sa peur, il ne remarqua pas que la paroi, doucement, s’était refermée derrière lui
Il se sentait maintenant de plus en plus faible, ses jambes commencèrent à trembler et il tituba.

Dans un mouvement qu’il fit, le rayon lumineux de sa lampe frontale illumina un bref instant l’intérieur de la boite de cuir grande ouverte et à la place qu’occupait la main, il eut le temps de voir un diamant de couleur bleutée d’une taille comme il n’en avait jamais vu et brillant de mille feux
Le dernier mot qui parvint à ce qui lui restait encore de pensée consciente fut «BEAUTE»
Puis, dans le silence absolu des lieux un faible craquement sinistre se fit entendre, l’inexorable et mortelle pression venait d’écraser le larynx et la région du cou environnante, ses jambes finalement finirent par se dérober sous lui et il mourut avant même de toucher le sol.
Et puis il n’y eut plus rien, rien que l’obscurité retrouvée de la grotte quand sa lampe torche se brisa dans sa chute.

Claude


4 commentaires:

Anonyme a dit…

et pour un pessimiste, la morale de l'histoire serait ... que lorsqu'on trouve un trésor, des fois il se peut qu'on en meurt ? :(
quel est ton message à toi ? :)

j'ai suivi pas à pas les pas de ce "il", j'aurai préféré que tu lui laisse la vie sauve.

Des bisous
Lou

claude a dit…

ben, Loulou, j'ai pas de message en fait. J'écris (enfin j'essaye) et je laisse l'imagination faire le reste
Mais je suis bien d'accord avec toi, il aurait bien mérité de vivre ce brave type et de profiter de sa découverte...
Mon imagination est d'une cruauté sans borne ;-((

Je te fais de gros bisous

Claude

Anonyme a dit…

Tu as un véritable don pour le conte.

Ne t'arrête pas...

Je t'embrasse

claude a dit…

Si c'est toi qui me le demande, alors... ;-))
Je t'embrasse itou, Véro

Claude

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