10.7.06

Les voix des maisons



Savez vous que les maisons vivent, les vieilles demeures, j’entends.

Celle où je suis maintenant est ancienne. Du dix sept siècle m’a-t-on dit.

J’ai pensé longtemps qu’elle avait pu être le presbytère de l’endroit car elle est au pied de l’église mais probablement pas. Une seule chose est sûre, elle ne fut jamais une ferme dans ce bourg rural de Bretagne du nord

Ma maison vit disais-je. Elle a son odeur, une odeur que mes narines doivent se rapproprier à chaque fois que j’en refranchis le seuil après en avoir été absent pendant quelque temps comme cela m'arrive encore, une odeur difficile à décrire, celle des bois vieux de charpentes, celle de l’encaustique dont ma grand’mère enduisait les marches de l’escalier de chêne comme certainement sa propre mère l’avait avant elle, des odeurs des jours de fête quand les nourritures doucement mitonnaient dans la cheminée sous les feux de bûches, des odeurs de la vie qui fût avec ses peines et ses joies aussi

Ma vieille maison vit, elle a sa voix, celle qui m’accompagne quand ne veulent plus mourir les longs jour d’été, quand la semi obscurité des jours d’hiver ne veut plus lâcher prise et s’entend à étouffer toutes ces confidences de ceux qui s'y arrêtérent pour un temps plus ou moins long

La maison parle et mélange dans les craquement des bois qui l’habillent les cris de naissance des nouveaux nés, les soupirs voluptueux du moment de leur conception et les râles d’agonie de ceux dont les regards fixèrent en dernier adieu ces murs qui me font face actuellement

La maison parle de ces bruits de l’histoire des hommes et c‘est une étrange symphonie, bonheur, tristesse et désespoir mêlés, tous ces sons qui nous accompagnent sur nos chemins de vie et qui sont la vie même

Ma maison vit, elle vit sa propre vie, elle a son odeur, elle a ses cent mille voix et soudain je mesure la fragilité du temps qui passe et je ressens ma propre fragilité et je sais que bientôt ma propre voix viendra se mêler à ces échanges qui étendent leur marque par delà les siècles et qui trouvent refuge dans les moindres recoins crées par ceux là qui patiemment en érigèrent les formes

Et je sens monter en moi un long frisson fait de résignation et de profonde lassitude dans cette période de l’année où déjà, se mélangeant à la douceur des soirs, se dessine la morsure des frimas à venir et monte du plus profond de moi ce besoin irrépressible de l’aumône d’un autre regard où je voudrais noyer un peu de mes peurs et un peu de ces regrets dont s’enveloppent les jours qui passent et les saisons qui meurent, un autre regard du monde des vivants pour éloigner les voix de celui des morts

Claude


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ben et les volets bleus, oùysont ??

Très joli billet

claude a dit…

Y sont là les volets bleus; en fait, il s'agit de la remise qui fait face à la maison principale et qui est l'ancienne forge du pays que j'ai connu en fonctionnement y'a bien longtemps...

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