20.7.06

Les voyages immobiles (2)





LES NEIGES DU KILIMANDJARO

Une nouvelle d’Hemingway commence comme ça : «On a trouvé la carcasse congelée d’un léopard à plus de 6000 mètres d’altitude, on a jamais ce que la bête venait faire à une pareille altitude»
C’est par ces mots que débute «Les neiges du Kilimandjaro», une mince nouvelle sur un écrivain qui a perdu le don d’écrire et qui meurt de gangrène sur fond de la plus haute montagne d’Afrique dans les cris et l’indifférence des animaux, les querelles qu’il entretient avec sa femme et le souvenir d’un ancien amour engloutit dans la guerre d’Espagne.
Sur le point de mourir, il aperçoit ce magnifique sommet empanaché de neiges éternelles et peut être comprend t’il alors enfin la signification de la présence de cette carcasse de léopard mort en cet endroit...

Je t’ai embrassée juste à côté du stand d’un bouquiniste avec Notre Dame juste derrière nous. Comme dans le film. J’avais choisi ce lieu pour être à l’endroit parisien exact, dans un de ces flashbacks dont le film est truffé, où Gregory Peck prend dans ses bras Ava Gardner, la femme qu’il va perdre et qu’il ne pourra jamais oublier.

Je ne t’ai rien dit, bien sûr. Je crois n’avoir jamais été aussi heureux de ma vie que ce soir là alors que les rayons du soleil déclinant venait lécher les façades de l’hôtel Dieu. Je n’ai jamais été aussi heureux que ce soir là avec ce cœur que je sentais battre contre ma propre poitrine, jamais aussi heureux avec la douleur du déchirement que je savais inévitable de ton prochain départ

Ce mot de Kilimandjaro est resté en moi comme un talisman et ses sonorités ont toujours été comme une douce musique entre le vert des arbres de la savane et le rouge ocre des pistes. Je n'ai jamais vu cette montagne sauf au cinéma, l'Afrique que je connais est celle de Dakar avec ses longues houles atlantiques ou le sable jaune où s'enlise Niamey sous les assauts des dunes sahariennes

Bien des années ont passé depuis et peut être, si tu es encore de monde, t’en souviens tu comme moi de cette fin de jour, dans la rumeur sourde de la ville livrée à mille occupations

Je peux te le dire ce soir, je ne sais toujours pas, moi non plus, ce qu’est allé faire le léopard pour mourir à cette altitude. J’ai lu récemment qu’avec le réchauffement de la planète, le Kilimandjaro devrait bientôt perdre sa couronne de neiges que l’on pensait éternelles.
Et alors, la carcasse décongelée du léopard devrait pourrir pour enfin disparaître définitivement et alors plus personne ne cherchera plus à savoir pourquoi il est allé mourir si haut dans la montagne.
Et il m’appartiendra alors de gravir un autre Kilimandjaro, très haut, là-bas jusqu'à sa blanche couche neigeuse pour m'y étendre et y fermer les yeux en souvenir de toi.

Claude

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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