18.2.07

La bête




Elle est là à nouveau, bien présente, à demi sortie des plis du rideau placés de l’autre côté de l’appartement où je vis. C’est là qu’elle a sa cachette, c’est de là qu’elle sort sa gueule hideuse et me fixe
Je perçois ses halètements et ses soupirs d’impatience et de fureur rentrée dans le bruit de la circulation du boulevard parisien le long duquel j'habite
Elle vient à notre rendez-vous à ce moment qu’on appelle si justement entre chien et loup
C’est quelqu’un qui doit me ressembler comme un frère qui a du trouver cette expression qui colle si bien à ma réalité
Entre chien et loup.
Pour moi, ma bête tient du loup, de l’ours et de la hyène mélangés. Son poil est hirsute et je peux voir doucement luire dans la semi obscurité ses crocs, aiguisés et faits pour broyer si facilement les chairs
Elle attend et j’attends. Nous nous toisons de part et d’autre de l’appartement. Ses yeux cruels suivent tous mes mouvements, je vois ses flancs bouger doucement au rythme de sa respiration et parfois elle ronronne comme le ferait un chat mais un bref aboiement assourdi la ramène à son condition canine
Non, je ne me lèverai pas de ce siége où je suis assis. Nous continuerons à nous toiser, elle et moi.
Elle, à demi cachée dans ses rideaux, moi, vissé à mon siège.
Mais devant moi j’ai l’arme qu’il me faut pour la tenir à distance cette créature dont j’ignore le nom et qui s’est invitée chez moi depuis quelque temps déjà
Mon arme, elle est là, dans cette bouteille qui est devant moi, précieusement à portée de main.
J’aime les reflets sombres et rassurants que je perçois derrière ses parois de verre. Si beaux, si accueillants, si charitables.
Si rassurants aussi car, quand je sentirai qu’elle sera lasse d’attendre et qu’elle va commencer à bander ses muscles pour franchir d’un bond prodigieux et implacable la distance qui nous sépare, quand elle sera prête enfin à déchirer mes chairs de ses crocs luisants et colorer du rouge de mon sang son mufle horrible et sa gueule à l’odeur fétide, quand elle se décidera à refermer ses puissantes mâchoires pour réduire en pulpe informe cartilages, nerfs et veines de ma gorge offerte et à aspirer une vie encore palpitante, alors avant que ce moment arrive, je lèverai mon verre pour le porter à mes lèvres.
Alors, je sais que l’alcool, comme il sait si bien le faire, explosera en ruisselets multiples et changeants dans mon cerveau et enverra, amicaux et rassurants, ces signaux faits pour tenir à distance la bête et je sais que, comme d’habitude, elle perdra encore une fois le combat, celui entre l’homme et de la bête. Frustrée et furieuse, elle rejoindra sa tanière de rideaux et quant à moi, de verre en verre, je pourrai enfin m’enfoncer dans ma nuit et je finirai par m’écrouler, inconscient, sur le sol de l'appartement et je pourrai m'anéantir dans un sommeil de bête…
Et c’est là que l’autre bête, tapie là tout au fond de moi saura patiemment attendre son heure, sans hâte et sans pitié prête à livrer l’ultime round de cet ultime combat au résultat inscrit à l’avance

Claude

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Le connais-tu, ce résultat inscrit à l'avance ?
Mes monstres sont diférents, ils ne m'attaquent que dans mes rêves, un peu comme Freddy, et je trouve parfois de longues et profondes déchirures dans mon matelas au petit matin, juste avant de me rendormir...

claude a dit…

j'ai tenté en fait de décrire avec ce que j'en sais un delirium tremens (très épais en fait) mais c'est juste pour le fun, hein.
Rien de commun avec moi comme tu le sais bien
Gros bisous à toi, Véro

Anonyme a dit…

je ne sais pas bien pourquoi, mais j'ai pas envie que vous connaissiez ça. pas envie de connaitre non plus.
prenez soin de vous.
Lou

claude a dit…

C'est gentil de me dire ça, Lou. Mais heureusement ce n'est que le produit de ma trop fertile (parfois) imagination.

Anonyme a dit…

j'ai voulu laisser un commentaire sous votre article du 22 octobre...sur l'autre blog. j'ai échoué. je peux le laisser là ? je n'ai que quelques mois de retard... :)

"Souvent, j'écoute le bruit de la pluie, le chant des gouttes qui berce, et envole l'esprit vers un ailleurs improbable.

essayez, l'été, sous la toile d'une pergola. quand la pluie accélère et devient bruit sourd, et puis quand petit à petit, elle s'arrête...quand il ne subsiste que quelques gouttes.

sous le toit d'une voiture, l'effet magique est presque le même.

essayez encore !"
prenez soin de vous.
Lou

claude a dit…

Je promets d'essayer l'expérience la prochaine qu'il se mettra à pleuvoir en Bretagne. Je risque de n'avoir pas longtemps à attendre...

Anonyme a dit…

ah, vous êtes là...(hé, voui...il est chez lui, Lui...) sourire. j'ai parcouru vos lignes et vos mots et vos silences, parfois. Dans le grand monde m'as tu vu des blogs, peu de gens restent vrais. et simples. et laissent parler leur âme bercés par le clapotis du clavier. certains le font, d'autres le font de plus avec talent. je reviendrai. tout le temps.
Lou, qui vous autorise à annuler ce commentaire, je sais bien qu'il va vous géner un peu, aux entournures.:))

claude a dit…

oui, il me gène ce commentaire en même temps qu'il me fait plaisir et qu'il me flatte et c'est pourquoi je le garde ;-)
J'espère toutefois que mon LA ne se mettra pas à trop gonfler...

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