7.12.06

Mon Américaine




Gardes tes souvenirs et ne les laisse pas mourir, enveloppes les de cette lumière qui inondait ce matin là le boulevard des Gobelins avant notre départ pour le sud et les collines de Toscane barrées de mauve et du bleu noir des cyprès et puis ne laisse pas disparaître l’odeur de ce fromage de Parmesan qu’un cuisinier brun et souriant éparpillait en gestes précis au dessus du Risotto brûlant.
Ne les laisse pas s’échapper ces souvenirs baignés de la lumière des jours heureux, cette lumière dans laquelle, paisibles, discouraient des vieux dans le soleil d’hiver sur la place de Monforte d'Alba et ce café, demitasse, noir comme l’enfer, bu à une terrasse d’Alba, Alba la blanche en contraste à ce café si sombre cet expresso des Italiens dont tu raffolais mais dont tu te restreignais pour épargner ton cœur et ses dérèglements soudains.
Ne les laisse pas s’évanouir ces souvenirs à portée de main, ce village de Bra qui t’avait fait sourire comme ce nom veut dire soutien-gorge en Anglais, toi qui n’en avais vraiment pas besoin et rappelles toi ce Dolcetto rouge sombre qui attendait d’être servi dans de grand verres à pieds décorés de grappes et de feuilles de vigne
Ne laisse pas non plus disparaître l’écho de ce fou rire dont tu fus soudainement prise à notre entrée en Autriche sur le chemin du retour. Tu as regardé un grand panneau placé sur notre droite, juste après les bâtiments de la douane qui, aujourd’hui, doivent être désaffectés. Un grand panneau avec en grandes lettres l’inscription « Gute Fahrt !!!!». Je n’y avais pas prêté attention mais toi, bien sûr tu avais lu « Good fart » ce qui en bon Français signifie. « Bon pet ». Et toute l’incongruité de cette remarque innocente m’a submergé et c’est à mon tour que j’ai failli m’étrangler de rire et il m’a fallu m’arrêter sur le bas côté pour ne pas risquer nos vies ou celle des autres et calmer ces contractions qui devenaient douloureuse. Nous nous sommes réciproquement séché nos larmes avec ton mouchoir
Ne les laisse pas s’évaporer ces bribes d’existence, ces parcelles d’innocent bonheur arrachées à l’éternité.
Elle fût mon Américaine l’instant d’un été perdu, elle fût l’innocence d’une jeunesse ancienne.
Elle vint des rives lointaines d’un océan pas si pacifique que ça, elle vint pour me faire aimer l’Italie et son piémont et les couleurs pastel des collines qui descendent vers la mer

Ne laisse pas mourir tous ces souvenirs, laisse les venir remplir ton verre comme le fit en son temps ce rouge Dolcetto, rouge comme le sang qui courait dans ses veines.

Souviens toi, elle fût mon Américaine en transit d’El paso, elle fût mon Américaine, si belle, pour moi qui ne suis pas beau…

Claude

3 commentaires:

Anonyme a dit…

T'ai répondu chez moi.
Mais de quel message parle-tu ??

Anonyme a dit…

Bon maintenant que j'ai un peu plus de temps je reviens lire vraiment. Et il est drôlement joli ce texte, doux comme seuls savent l'être certains de nos souvenirs...

claude a dit…

Je savais que la part de ton sang italien aimerait bien cette petite histoire ;-))

Gros bisous, Véro

Claude

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