Monde de couleurs et d'images, monde sans cesse le même mais toujours recommencé et que je vous convie à parcourir en ma compagnie avec le vent pour compagnon à nos semelles
18.6.06
L'enfance de l'art
L’AMOUREUX DES MOTS
J’ai commencé par le mur de droite.
Je vous explique : J’occupe à Paris un studio d’environ 30m². et je me souviens encore le type de l’agence me vanter les charmes de cet endroit exigu et mal insonorisé. Ce n’est pas très grand bien sûr mais pour ce que j’avais à y faire, la répartition des pièces m’a tout de suite bien convenu
Une entrée bien sûr et immédiatement à gauche la cuisine avec juste en face, à main droite donc, la salle de séjour dont je me suis fait mon bureau, chambre et salle à manger, tout ça à la fois et puis, au fond, la chambre que j’ai transformée en débarras et où je ne mets les pieds que pour ajouter d’autres objets à ceux déjà présents
J’ai donc commencé par le mur de droite de mon bureau, chambre et salle à manger.
J’avais préalablement viré les quelques gravures que j’y avais collé et mis l’étagère qui contenait mes cassettes, CD, DVD, quelques boites en fer pour les timbres avec quelques agrafes et autres punaises et aussi quelques livres : De la poésie surtout : De Nerval, Lautréamont, Hugo dans sa dernière période et Rimbaud évidemment qui a été le dernier à rejoindre les autres dans la pièce du fond
Il n’a pas été facile de trouver mon fournisseur de lettres. J’ai fini par y arriver chez le marchand de jouets en bois au coin de la rue Tindal
J’ai été séduit par des rectangles en bois verni de 8X8cm convenant à la tâche que j’avais décidé d’entreprendre
Il a été un peu surpris de ma commande mais je lui ai expliqué que c’était pour un établissement avec des enfants à occuper pendant les vaances d'été et comme je lui ai fait part de mon désir de payer en avance, il n’a pas fait d’autres commentaires et s’est arrangé directement avec un fournisseur du Jura. Enfin je crois qu’il est là-bas mais quelle importance ?
Une page a ouvrir dans mon Littré et en mettant mon doigt au hasard sur la page, 5 mots s'imposent à moi en incluant celui que je touche en premier.
5 mots à coller lettre par lettre, 5 mots dans le sens vertical, à la suite des autres sans virgule ou tiret puis même opération dans le sens horizontal
J’ai commencé voila plusieurs mois.
Le plafond n’a pas été facile à recouvrir et de travailler les bras en position levée a nécessité de longues périodes de repos pendant lesquelles, étendu sur mon matelas gonflable j’ai pu souvent plonger mon regard dans tous ces mots qui se suivent à la queue leu leu :
ACTIVEURACTIVISMEACTIVITEACTRICISMEOISELETOISELEUROISELIEROISELLE
OISELLERIEPANOUFLEPANOUILLEPANPSYCHISMEPANSAGEVIRIDITEVIRIELVIRIL
VIRILISANTVIRILISATION etc.
Maintenant, je continue à coller mes lettres couché sur le dos et pénétrer dans le volume encore libre ne va pas sans quelques contorsions, le plafond est à quelques centimètres de ma tête et je suis obligé de me servir de mes pieds pour les endroits les plus éloignés
L’espace se rétrécit de plus en plus autour de moi, au dessus de ma tête ainsi que sur les côtés mais je me sens maintenant de plus en plus en accord avec moi-même avec ce sentiment de revenir enfin à mes véritables origines
Pour la première fois de ma vie, je crois que je vais être parfaitement heureux
De quelque côté que mon regard se porte, ce ne sont que des lettres qui forment des mots dans une longue sarabande immobile.
Je les caresse des yeux et je sais qu’ils aiment ça
Je suis entré dans la matrice du commencement des langues, celle par qui le partage et la communication deviendront un jour possible.
Je suis en ce moment encore fœtus, je serai bientôt enfant. Je suis dans le ventre des lettres et des mots, je suis dans le ventre commun de mes seuls et vrais parents.
Ils sont enceints de moi qui suis leur descendant et je sais qu’en m’aidant de ma nuque pour coller sur leur support les dernières lettres, je vais sans tarder finir d’obstruer les quelques centimètres cubes libres qui me permettent encore d'ultimes reptations et la possibilité de glisser ce billet qu'un jour peut être quelqu'un pourra lire
J’aspire à ce moment avec impatience. Je veux tellement me retrouver seul dans l’obscurité si propice à toute féconde méditation et dans l’attente du signal mystérieux qui préside à toute naissance
Et en attendant, je vais alors pouvoir les laisser venir en moi, me pénétrer et me submerger toutes ces lettres et tous ces mots, ces si merveilleux et envoutants mots…Tous ces mots, mes amis!!
Claude
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2 commentaires:
Entre frissons d'imagination et fascination de fiction...
Je n'aime pas beaucoup les comparaisons, mais je ne peux m'empêcher de penser à Edgar Alan Poe...
Des bisous
eh, ben comme tu y vas!!
E.A POE, rien que ça!
Mon LA va se mettre à gonfler, c'est sûr
Bisous, Véro
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