14.11.05

visite à Surcouf



Visite à Surcouf, le grand méchant Couf comme l’appellent finement les fils de pub. 3 étages remplis d’ordi, du Microsoft très soft et du hard très hard comme s’il en pleuvait.

A l’entrée, un pépé, yeux exorbités, un peu apoplectique tourne sur lui même comme un «soleil craché », de mauvaises langues prétendent qu’on en a retrouvé un, tout momifié derrière une pile de vieux catalogues. Une pin-up blonde du haut de ses au moins 10 ans, encasquetée et blonde queue de cheval au vent, explique à une dame un peu hagarde les avantages d’une connexion USB; 300 mètres d'attente à chaque caisse, les caissières portent des fers aux pieds pour les empêcher de s’enfuir, on les nourrit par intraveineuses, on a installé des relais comme pour un marathon, eau fraîche et tranches de citron à chaque virage, des commissaires vérifient que personne ne chercher à couper à l’intérieur. (les virages bien sûr)

3 étages, complets, une vraie foule, collante, compacte et visqueuse, des Italiens gesticulent et s’engueulent, des relents de vendetta flottent, un parfum d'omerta rode, une omerta à 200 décibels : Des Chinois passent énigmatiques et furtifs, un sourire à base d’idéogrammes aux lèvres, impossibles à déchiffer sans dictionnaire de Mandarin.

"Quand la marabunta gronde", ça me rappelle "Quand la marabunta gronde" un film sur les fourmis tueuses et leur cohorte dévastatrice en Amazonie; j’ai vu ça dans un ciné de quartier, quelque part dans les années 70, un film, entièrement tourné en décors naturels à Hollywood même, les fourmis avaient du être importées, la vedette féminine se faisait faire au moins 3 brushings chaque demi heure à voir sa coupe impeccable, probable que son coiffeur courait avec elle le temps qu’ils distançassent de concert les féroces fourmis avant d’être rattrapés par elles dans un suspense insoutenable; on entendait des millions de mandibules avec un bruit sourd en arrière plan au fur et à mesure qu’elles se rapprochaient.

Vu du dessus et comme pour une caravane de fourmis, la foule se gondole, s’arrête et repart. Pour sortir, il faut prendre rendez-vous et franchir la porte à l’annonce de son numéro.

Dehors, la lutte continue ; des colonnes armées montent à l’assaut de la rue Montgallet, la Montgallet valley qu’ils appellent ça maintenant.

De la connectique, du hard, de l’écran plat sur chaque trottoir, c’est Fort Alamo à tous les coins de rue, des bistrots classés monuments historiques ont finit par se rendre malgré un défense héroïque et des drapeaux blancs flottent encore aux fenêtres.

On n’entendrait pas un char d'assaut voler, la rue sent le pixel et le driver bon marché. Des commandos s’infiltrent, des indigènes qui avaient tenté de résister ont été placés dans des réserves, dans ces bad lands où la norme IEEE a bien du mal à pousser normalement. Des éléments avancés les visitent parfois, fraternisent et leur offrent des cigarettes, du chewing-gum et des menus vitaminés, c'est MASH et Omaha-beach réunis; les larmes aux yeux, des vieux se rappellent la campagne de Normandie et en échange offrent du calva vieilli en fût de chêne

Le soir, la rue fume encore de tous ces pas amoncelés ; rassurés, parmi les vapeurs délétères, des rats reviennent à leurs égouts, des détrousseurs de carcasses errent et fouillent des cartons abandonnés. La grande armée, ivre de Bérézina, s’est retirée vers ses bases arrière, les blessés sont pansés, les morts et les chercheurs d'occasions bon marché sont récupérés.

Enfin le silence retombe laissant la rue à ce vertige existentiel et ce parfum suri des combats inexpiables, de ces guerres de 100 ans, sans vainqueurs ni vaincus et qui sont les vrais fonds de commerce de nos profs d'histoire-géo.

Claude
Paris, un samedi en 2005


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