12.8.07

De port en port




J’ai aimé ces matins même si maintenant ils sont devenus bien lointain, je les ai aimés, peuplés de ces filles que je rencontrais dans des lits de passage, dans des chambres étrangères aux papiers peints défaits, dans des hôtels sans âme mais, au réveil, emplis d'odeurs d’amour et de goudron que je sens encore si prégnantes dans mes narines
Elles me faisaient don de leurs corps sans réticence et j’en profitais sans vergogne même si parfois tant d’abandon m’amenait des remords car je savais déjà le prix des amours sans lendemain.
Elles se donnaient sans retenue et je me souviens de ces corps blancs, noirs ou bruns offerts sur des lits ouverts et j’emmenais avec moi en les quittant des zestes de leurs parfums, ces parfums qui étaient leurs dernières vêtures et aussi au bout de mes doigts ces autres odeurs de leurs intimités mouillées et qui me restaient après comme l’un de leur derniers présents
Et mes copains d'alors, ce Canadien par exemple, complètement fou que j’ai vu un jour gesticulant tout nu sous la lumière d'un réverbère en gueulant comme un perdu devant quelque flics lancés à sa poursuite et levant les bras au ciel comme un démoniaque épouvantail, comme un immense oiseau dépenaillé courant comme pour prendre son envol et qui finit par sauter du haut du quai dans les eaux sales du port où il s’est noyé. Putain de Canadien!

Je les ai aimés ces matins d'aubes grises et mal débarbouillés, ces matins qui suivaient des nuits passées dans un bar à discuter de n’importe quoi avec n’importe qui, avec tous ces paumés que la nuit sait engendrer et qu'on n'aperçoit jamais de jour.
Et ce grand nègre qui un soir s’est dirigé vers moi l’air menaçant en disant qu’il n’appréciait pas mon regard et alors que je cherchais une chaise pour me protéger ou pour lui casser sur la tête, je n’en sais rien, était parti d’un rire tonitruant en disant que j’étais tout con de l’avoir cru, qu’il n’allait pas me manger et que je me souviens encore de ses dents blanches qui lui faisaient le sourire si éclatant et que, quand même, j’avais été soulagé de voir que ça s’arrêtait là car, franchement, je n’aurais pas fait le poids…

Rosie, elle s’appelait et elle était si étroite que je sentais clairement son vagin se contracter sur mon sexe au moment où elle jouissait. Et quand il arrivait que nous jouissions de concert (sans jeu de mots) alors s'ouvraient pour nous toutes grandes les portes du paradis. Au moins celle là, elle ne pouvait pas tricher sur ses «sentiments» et je garde ce souvenir précieux pour venir agrémenter le fond de mes nuits solitaires.

Et j’étais copain avec des patronnes de bouges qui me confiaient leurs souvenirs ou leurs projets d’aller élever des oies ou d'autres volatiles dans une lointaine campagne où elle n’auront jamais été bien sûr et parfois, après le coup de chaud du soir, on passait dans l’arrière boutique où une fille avait préparé des pâtes aux anchois comme je n’en ai jamais retrouvé ailleurs et je mangeais entouré de femmes qui n’étaient pas toutes tévanescentes comme dit Brel dans une de ses chansons, loin s’en faut, et on riait à des bêtises futiles et souvent, l'air alors grave, elles me confiaient leurs secrets et je finissais de temps à autre au lit avec l’une d’elles et les autres nous lançaient des clins d’œil de connivence en me demandant d’être bien à la hauteur…

Et je les vois passer devant mes yeux fermés toute cette panoplie hétéroclite de complices de beuveries inachevées et d'amours non tarifées, je les vois, les vivants et les morts, ceux qui ne sont déjà plus, ces compagnons et ces amies de mes nuits où j’aimais me mettre en danger peut être pour être certain que j’étais encore vivant et alors je pouvais défier la vie, la mort, les bienséances et les bonnes manières que je haïssais tant..
Je les ai aimés ces petits matins qui pourtant avaient déjà de prémonitoires gouts de défaite car je savais qu’ils auraient un jour une fin, je savais bien que le temps, cet éternel vainqueur au poing ou par KO de nos pales destinées finit toujours par gagner tous ces combats menés, des plus glorieux aux plus misérables.
Le temps saurait un jour me faire revenir dans le droit chemin avec pour seule occupation celle d'évoquer en sourdine mes beaux petits matins, si loin aujourd’hui, si loin mais encore si présents à mon souvenir et je l’entends qui rit, toute tendre et douce et je la vois, nue et fraîche, si fraîche, m’ouvrir ses bras pour que je m'y réfugie, encore et toujours, que je me soumette à la tendre prison de ses bras blancs et minces et à la pression insistante de ses cuisses accueillantes…

Attends moi, dis voir, attends moi, tu vois, je viens, oh, putain, attends puisque je te dis que je viens….

Claude


4 commentaires:

Anonyme a dit…

Fichtre, quel passé ! ;-)
En tout cas ça fait de sacrés souvenirs.
Des bisous

claude a dit…

oui, hein, Véro, ça en fait des choses à raconter le soir à la veillée ou aux enfants des écoles...Sauf que je ne l'ai jamais fait, heureusement, il y a les blogs pour ça...Et ça évite de rougir en public

Bisous à toi

Claude

Anonyme a dit…

Ben tu pourras toujours rougir devant moi ;))
Gros bisous

claude a dit…

Alors rdv bientôt pour rougir de concert et si mes histoires ne suffisent pas, alors on les épicera de quelques verres de bon jus de la treille...

Gros bisous

Claude

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