Monde de couleurs et d'images, monde sans cesse le même mais toujours recommencé et que je vous convie à parcourir en ma compagnie avec le vent pour compagnon à nos semelles
25.2.08
La rentrée
On devait rentrer à l’école tard dans ces années là car mes souvenirs sont liés à celles des premières gelées blanches et des feuilles jaunies des marronniers qui déjà jonchaient le sol.
De ces images là, j’ai d’ailleurs gardé beaucoup de nostalgie et je ne dois pas être le seul probablement
En tous les cas, je me souviens encore très clairement de mon arrivée dans mon nouveau collège par un matin triste et froid, je me vois encore traverser la cour de récréation avec une vieille valise à la main dans laquelle ma mère avait mis mon trousseau, tout ça sous le regard d’élèves dont certains me semblaient visiblement bien plus âgés que moi
Je venais de pénétrer en enfer et je pèse mes mots mais je ne le savais pas encore.
C’est drôle comme certains souvenirs peuvent peser si fort si longtemps après….
Nous avions déménagé de Normandie pour la Touraine dont était originaire mon beau père
Ils m’avaient récupéré début juillet chez des amis chez qui ils m’avaient laissé pour que je puisse finir ma sixième…
Ils ont empilé quelques bricoles dans la vieille voiture qui me faisait honte et je me suis tant bien que mal installé à l’arrière au milieu de tout ce capharnaüm
Quand la voiture a pris la route, je me suis retourné pour garder la vue sur la ville le plus longtemps possible
La dernière vision que j’ai du lieu ce sont les grands arbres qui dominaient la rivière
Puis les arbres se sont peu à peu estompés dans le lointain et la vue de ce lieu où j’avais vécu somme toute assez heureux a fini par disparaître complètement.
J’ai alors regardé devant moi et quand les larmes me sont venues aux yeux, j’ai baissé la tête pour qu’on ne les voie pas
Je me dirigeais alors tout droit vers des grandes vacances vides et solitaires sans enfant de mon âge à côtoyer dans le voisinage.
J’ai erré comme une âme en peine entre l’ile-plage comme on appelait cet endroit en bord de rivière, rendez-vous des jeunes gens du coin, et les rues de la petite ville où nous avions élu domicile et le temps a fini par passer, lentement mais sûrement jusqu’à ce jour de la rentrée en cinquième
Je rentrais comme pensionnaire.
Tout bien considéré, ce n’était pas plus mal car j’avais des rapports exécrables avec mon beau-père avec lequel je ne m’entendais pas du tout et puis ma mère avait une idée bien ancrée en elle: Comment faire pour me débarrasser de lui ?
L’une de ses seules interventions en ce qui concerne mes études avait été de m’inscrire au concours des bourses.
J’avais trouvé tout ça bien normal et j’avais été même très fier d’en annoncer les résultats : Du à de très brillantes notes, j’avais été admis boursier complet
Boursier complet !! Bingo. Enfin plus pour elle que pour moi mais c’est bien longtemps après que je l’ai compris.
Pour faire court, boursier complet, ça voulait dire que l’état prenait en charge, non seulement mes études mais aussi mon hébergement total. Je soupçonne ma mère d’avoir depuis bien longtemps soupesé les avantages que cette situation lui apportait et de m’avoir inscrit comme pensionnaire essentiellement dans ce but…
Comme dit l’autre, ma saison en enfer venait de commencer. Une saison qui allait durer trois ans quand même…
J’avais fait toutes mes classes de primaire, de la 11ème jusqu’à la 7ème comme on disait alors et la sixième aussi dans le même établissement, dans cette ville que j’avais définitivement quitté pendant l’été
Ma classe de sixième s’était particulièrement bien passée.
J’y fus un élève curieux d’apprendre, heureux de découvrir des matières nouvelles : Anglais, Latin, etc.
J’ai redécouvert le petit fascicule qui résume le travail des élèves de cette classe là. J’y apparais dans les premiers dans presque toutes les rubriques, y compris celle d’excellence, des notions bien disparues depuis et je me suis souvent demandé quel tournant aurait pris ma vie si j’avais poursuivi mes études dans ce même collège
J’aurais du entreprendre l’étude du Grec ancien l’année suivante et aujourd’hui encore, j’ai le regret de n’avoir pas eu l’occasion de le faire
Je suppose que ça a commencé très rapidement ou bien ce sont les autres qui m’ont prévenu
-Ce soir, va y avoir brimade
C’était l’expression consacrée. Brimades !
Ça commençait après l’étude et le repas du soir.
Auparavant j’avais regardé avec envie les externes partir vers leur chez soi, tranquilles et décontractés…
Nous étions alors livrés au bon vouloir de ceux de seconde ou première
Nous étions peu au pensionnat et les tourmenteurs patentés pas plus de quatre ou cinq mais ils savaient faire régner un véritable climat de terreur parmi ceux des petites classes dont je faisais partie
Mais ils faisaient preuve de bien peu d’imagination ces tortionnaires en herbe: Quelques séances de coup de pied au cul, quelques lits renversés alors que le sommeil commençait à nous prendre voire quelques bites passées au cirage pour les plus pervers…
Rien de bien terrible en somme mais ce bien peu m’a complètement gâché non seulement mes années de pensionnat mais surtout le cours de mes études
Il m’a fallu très longtemps pour mettre un nom sur ce qui m’était arrivé, pour verbaliser cet état comme on dirait aujourd’hui
J’ai souffert d’un déni d’école. J’ai récemment entendu cette expression dans la bouche d’un psy
Déni d’école: Le refus d’un élève mis en situation de stress et dont la manifestation la plus visible est un repli sur soi et l’emploi des moyens les plus divers pour éviter l’acte d’apprendre et dont les conséquences bien prévisibles sont un effondrement des résultats.
C’est exactement ce qui m’est arrivé. En quelques mois, voire quelques semaines, je suis passé de l’état de brillant élève à celui de cancre patenté
Je ne mets en cause les profs qui ont fait ce qu’ils ont pu et ont même fait preuve de beaucoup de patience et de mansuétude à mon égard mais, soudain, tout m’est apparu incompréhensible, obscur, comme si la langue employée était du Mandarin ou du Volapük : Quelque chose en tous les cas de totalement incompréhensible à mes oreilles
J’étais tout simplement parti ailleurs, dans des lieux que la parole professorale était bien incapable d’atteindre
Pendant les cours de maths, j’arpentais les jungles de l’Amazone, pendant le Français, j’étais trappeur dans le grand nord canadien et le reste du temps, j’étais au Wyoming en train d’élever des chevaux.
En fait, j’étais partout sauf où j’aurais du être et avant tout à l’école
J’ai pris un tel retard que j’ai été amené à en tirer des conclusions évidentes : Mon avenir se situait hors des chemins bien balisés de l’éducation nationale
J’avais trouvé un job d’été sur une base américaine pendant les vacances de fin de troisième.
Je ne me suis pas présenté à la rentrée de cette année
J’avais 16 ans, pas un seul diplôme pour m’alourdir les poches mais sûr et certain que je finirais toujours par m’en sortir
Je m’en suis sorti en définitive. Plus ou moins bien en fait mais ceci est une toute autre histoire…
Mais de ces années que j’évoque brièvement ci-dessus, j’en ai gardé un souvenir épouvantable et un rejet complet, définitif et sans appel de ces pratique de bizutages ou de bahutages qu’on présente souvent comme des rites d’initiations indispensables pour passer d’un monde à un autre mais qui ne ce ne sont la plupart du temps que l’occasion pour certains d’exercer leur volonté de puissance, le désir de faire peur et la jouissance éprouvée devant le désarroi et le sentiment d’abandon de ceux qui en sont les victimes impuissantes et résignées
Un dernier mot encore: Le jour de la rentrée suivante où j’aurais du revenir au collège, je me suis, débrouillé pour être présent au milieu de mes copains de l’époque jusqu’au moment ou un prof que je ne connaissais pas à commencé à faire l’appel. Quand il est arrivé à moi, il m’a demandé ce que je faisais là. Quand je lui ai dit que j’étais venu pour dire bonjour à mes ex condisciples, il m’a dit que je n‘avais rien à faire là et m’a fermement demandé de bien vouloir quitter les lieux
Je suis reparti sur la vieille mobylette que j’avais empruntée à mon beau-père sans le lui dire bien sûr et je n’ai jamais remis les pieds dans cet endroit…
Claude
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2 commentaires:
.... touchée coulée
Lou
J'y repense de temps en temps à cette époque avec un sentiment de grand gachis et une répulsion totale pour tout ce qui s'apparent à de la manipulation mentale ou physique
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