27.1.10

Deuil




À cette époque déjà lointaine, nous habitions dans un quartier de New Delhi à Maharani Bagh ce qui en Hindi veut dire: Le jardin de la reine. Tu étais venue avec ta mère et un couple d'amis.
Tu étais alors une jeune adolescente au sourire fragile aux grands yeux sombres qui s'habillaient de parcelles vertes quand tu tournais ton regard vers la lumière
Je ne sais pas si tu étais reine ou fleur en ce jardin mais tu t'étais inscrite dans ce paysage comme si, de tout temps, les pipals, les hibiscus, mango trees ou autres banians sans oublier les flamboyants qui marquaient en rouge somptueux au moment de la fête des couleurs les limites de notre propriété, attendaient ta visite...

Elle avait la grâce lente
d'une fragile adolescente
elle avait la taille fine
d'une vestale mutine

J'ai écrit bien plus tard ces quelques lignes qui me sont venues spontanément à l'esprit et aujourd'hui je me demande si ce n'est pas ton image qui s'est imposée du fond de ma mémoire avec tes longues jambes de faon et cette peur ou cet émerveillement que je devinais parfois en toi devant la cruauté ou la splendeur du monde

Aujourd'hui, sous l'habituel ciel gris-plombé de l'hiver parisien, je regarde les rites qui entourent la mort. La foule qui s'est rassemblée pour toi m'apparait comme un troupeau de moutons, effrayée, frileuse, comme si la proximité de l'autre permettait d'exorciser l'horreur de la disparition, l'horreur aussi de devoir, un jour, l'affronter.

Sur le boulevard proche, on entend le chuintement feutré des pneus sur l'asphalte et qui se mêlent aux sanglots étouffés qui jaillissent de ci de là des proches ou de tes nombreux amis rassemblés ...

Je crois au fond de moi que la vie n'a aucun sens sauf à la contempler à l'aune de la fragilité d'un sourire au moment où un jour se lève, sauf à se perdre dans cette lueur que le soleil sait allumer dans un regard qui chavire et je regarde celle foule qui monte comme une marée dans ce minuscule cimetière parisien pour venir abandonner des roses sur ton cercueil et je sens une boule qui soudain oppresse ma poitrine.

Une goutte humide se fraye doucement son chemin entre aile du nez et rondeur de la joue. J'ai froid et je ne veux pas penser au lent et effrayant travail qui va commencer dans l'obscurité de la tombe que deux ouvriers indifférents s'empressent de refermer .

Claude

4 commentaires:

euqinorev a dit…

Je vois que tu es de nouveau très prolifique dans tes écrits, bien ;)

Un très beau texte. Triste, mais réaliste, et beau.

claude a dit…

Malheureusement une histoire vraie, Véro: Une de mes nièces qui s'est faite massacrer à Paris.
Je te fait signe à mon retour dans la capitale
Je te fais de gros bisous
Claude

Unknown a dit…

Bonjour Claude,

J'aime beaucoup votre blog. J'ai pris quelques notes de certains passages.
J'espère que tout va bien. Pas d'article depuis longtemps....

Nicolas...je suis fan!

claude a dit…

Merci Nicolas de bien vouloir prendre de mes nouvelles. J'attends simplement que l'envie d'écrire vienne me visiter à nouveau mais je sens parfois des frémissements du côté du poignet. Ça doit être le printemps...
Et n'hésitez pas à vous servir de et dans ce blog, j'en suis d'ailleurs très flatté
Amicalement

Claude

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