18.7.21

Una mancha de color

 


'Una mancha de color', une touche de couleur en espagnol. Ce n'est pas que je sois hispanophone, pas le moins du monde, mais j'ai voulu ajouter cette touche quelque peu exotique pariant sur le fait qu'elle puisse avoir des relations avec ce pays en me fondant sur son apparence physique

Tout ça remonte aux années 60, ça ne nous rajeunit pas hein !

À cette lointaine époque j'exerce la coupable industrie de contrôleur aérien militaire à Bordeaux Mérignac.

La vérité m'oblige à dire que je ne suis pas surchargé de travail et qu'il m'arrive pendant les temps creux d'activité de me rendre dans le hall de l'aéroport là où transitent les passagers à l'arrivée ou au départ.

C'est là que je rentre en contact avec une jeune femme hôtesse d’accueil en surmontant ma timidité naturelle.

Très brune, élégante aussi dans sa tenue bien coupée, très maquillée et probablement plus âgée que moi.

Plus âgée que moi, ça veut dire quoi ou plutôt combien ? Cinq ans, dix ans ? Comment le savoir ? À cette époque, j'allais avoir 24 ans et ça n'avait qu'une importance somme toute relative. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, car cette jeune femme d'antan a dépassé 90 ans si toutefois elle est encore de ce monde et on sait que passés 80 ans, les années n'ont plus la même valeur en termes de vieillissement.

Ces visites auprès de cette jeune femme vont prendre place pendant l’année 62 au moins jusqu’au mois d’octobre de cette même année, moment où je vais rencontrer celle qui va devenir mon épouse.

Je n’ai gardé aucun souvenir de ce que nous pouvions échanger ni de la fréquence à laquelle mes pas me dirigeaient vers ma brune hôtesse. Je crois qu’il s’agissait avant tout de plates banalités et qu’il n’y en a pas eu beaucoup de ces visites pour dire vrai, mais peu importe, je n’ai soudain plus éprouvé le besoin de me rendre dans ce lieu de passages et j’ai brutalement je le concède rompu ces liens de si peu de poids. End of story me diriez-vous et pas la peine d’en faire un plat


Six mois environ vont passer. Pendant ce temps je me suis marié (en mars) puis nous nous sommes installés dans un petit meublé à la barrière judaïque, côté Caudéran avant que cette cité ne soit englobée dans Bordeaux ville …


C’est une belle fin d’après-midi du mois d’avril ou de mai et je chemine tranquillement en direction de mon appartement et de ma belle jeune épousée.

C’est là que je l’ai vue à quelques mètres de moi, vêtue d’un haut de couleurs vives et une jupe tirant vers un bleu pastel. Una mancha de color, vous dis-je. Elle est là, un large sourire illumine son visage. Elle est là immobile sur le trottoir en compagnie de deux ou trois personnes. Elle est là à un endroit où je devais nécessairement passer pour regagner le meublé loué voilà déjà quelques semaines

Le premier moment de surprise se passe. Tiens c’est la fille de l’aéroport me dis-je et j’ajoute en moi-même cette pensée idiote : Ben tu vois, c’est trop tard je suis marié maintenant comme si sa présence à cet endroit ne devait rien au hasard, mais relevait de la volonté de m’apercevoir en dépit de mes changements matrimoniaux et je suis enfin très surpris de la voir me semble-t-il accompagnée de membres de sa famille ? Mais rien ne me permet de penser que cette dernière affirmation  corresponde à une quelconque réalité

Qu’en est-il aujourd’hui après toutes ces années passées ? Tout d’abord, il ne s’agit pas d’une invention de ma part, cette fugitive rencontre a vraiment eu lieu. Était-elle intentionnelle de sa part ? Je le pense aujourd’hui encore. Pourquoi ? Pour quelle raison précise ? Je n’ai pas de réponses à cette question. Il lui était certes facile de retrouver ma trace dans le milieu restreint d’une tour de contrôle et ses services annexes, mais pour me faire passer quel message ? Je n’en sais rien. Peut-être que nos petits entretiens avaient ils revêtu pour elle une importance qu’ils n’en avaient eu  pour moi. Était ce pour me dire de revenir la voir, de poursuivre nos petites parlotes. Je ne le saurai jamais, moi qui n’ai jamais connu ni son nom si son prénom, mais pour une raison un peu mystérieuse elle reste une ombre qui vient parfois illuminer un recoin caché de ma mémoire.

 Nous avons échangé nos regards puis j’ai continué mon chemin sans que jamais nos routes n'en viennent à se recroiser.

4 commentaires:

AlainX a dit…

Je découvre ton blog via celui de Coumarine.
Ton récit d'une époque lointaine de cette rencontre est remarquable. Il a aussi quelque chose d'universel (ce n'est pas pour le minimiser, bien au contraire…) est-ce que nous n'avons pas tous des souvenirs de ces rencontres qui se firent sans jamais s'établir vraiment. Bien sûr il y en a plein… mais pourquoi certaines nous restent marquées si longuement. Elles nous reviennent et nous traversent sans que l'on sache vraiment pourquoi, et cependant il y a certainement un pourquoi caché…
je pourrais écrire quelque chose d'un peu comparable avec une caissière d'une grande librairie que je fréquentais très régulièrement, également dans les années 60. Cette femme avait plus de 50 ans, j'avais 16/17 ans. Elle m'avait « à la bonne » comme on disait en ce temps-là, des petites attentions et demandait de mes nouvelles. Et puis un jour elle a disparu…
Va savoir pourquoi j'y repense parfois, peut-être parce qu'elle avait de la considération envers moi… peut-être que je ressemblais à un enfant qu'elle avait perdu ? Parfois je l'observais de loin pour voir si elle avait le même comportement avec tous les clients. Eh bien non, la plupart du temps elle était « assez neutre » faisant honnêtement son travail avec le sourire commercial qui convenait quand il fallait.

claude a dit…

Merci pour ce gentil commentaire. Brassens a très bien parlé de tout ça dans son remarquable "les passantes"

AlainX a dit…

En effet, je ne l'ai pas cité, mais j'avais cette chanson à l'esprit !
Dont les paroles ne sont pas de Georges d'ailleurs…

claude a dit…

Oui en effet, des paroles d'Antoine Pol à qui il faut rendre hommage pour son magnifique poème et la musique du grand Georges bien sûr

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