J'ai consulté ce matin un peu par hasard la liste de mes
compagnes et compagnons d'internet, gardés dans la mémoire d'un cyberespace malicieux et indiscret. 10
ans en arrière pour beaucoup. Combien sont ils encore qui se penchent sur
l'écran magique pour y confier leurs pensées intimes?
Les blogs. C’était nouveau. Nous étions tous des Victor Hugo
ou des Céline en puissance que les techniques modernes de communication allaient inévitablement faire
éclore.
On croyait abandonner à la blogosphère des pensées
originales, des fulgurances dont on était bien probablement les seuls à pouvoir
juger de la profondeur, de leur originalité mais qu'on chuchotait malgré tout
à l'oreille jugée complaisante des lecteurs ou lectrices attrapés dans les rets
d'une pensée originale et féconde qu'on était probablement seul à juger ainsi.
Et puis les liens se sont délités, ont disparu entraînés
dans les bourrasques imprévisibles du passage des temps.
Mais pourtant elles sont là ces ombres, présentes, comme autour de ces tombes abandonnées
où des noms et des dates luttent contre l'omnipotence maléfique des omniprésentes mousses et
lichens.
Combien de temps mettons nous à nous vider de nos souvenirs
jusqu'à ce que, besaces vides et flasques, nous attendons souvent en vain que
de synapses en synapses se propage le signal apte à recréer des mondes que l'on
croyait définitivement engloutis dans les mousses et lichens des souvenirs
atrophiés mais que le regard d'un voyageur attentif permet de brièvement venir
se mêler au spectacle du monde en mouvement.