
C’est la plus assidue, la plus fidèle aussi. Je voix bien de temps à autre une bande de moineaux voyous qui se chamaillent et se querellent autour de quelques brins de nourriture et qui doivent écumer l’une après l’autre les maisons environnantes et aussi le couple de merles, la merlette avec une robe plus claire que celle de son digne époux et qui ont élu domicile dans la haie qui borde la route qui va vers l’école.
Mais la plus fidèle disais-je c’est la bergeronnette. Elle a réduit progressivement la distance de garde qui toujours sépare un animal sauvage de l’homme, elle s’envole maintenant à mon approche au tout dernier moment et se perche sur le muret de la cour d’où elle peut m’observer tout à loisir
C’est la plus assidue parmi tous ces oiseaux qui sont là à demeure dans ce pays d’Arcoat et elle lui arrive parfois d’effectuer un drôle de ballet sur ses pattes grêles tout en ébouriffant ses plumes quand les miettes tant attendues tardent à arriver. Une danse de séduction probablement tendant à dire: Regarde comme je suis belle et comme je sait faire des tas de trucs sympas. Tu ne vas quand même pas laisser mourir de faim un pareil phénomène !
Bien sur que ses efforts et son attente sont promptement récompensés
Récemment, que lui a-t-il pris? Elle est entrée dans la maison, affolée elle a décrit plusieurs cercles, incapable de retrouver le chemin de sortie. Je ne suis pas intervenu et j’ai attendu qu’elle se calme. Finalement, elle s’est posée et s’est recroquevillée dans le coin d’une fenêtre.
C’est là que j’ai pu la prendre délicatement dans la main en m’abstenant de tout geste brusque. Elle s’est abandonnée à son sort et quand ma main s’est refermée sur elle la maintenant au creux de ma paume, nos regards se sont croisés et j’ai pu percevoir du bout de mon index les battements de cœur minuscule battant à grande vitesse.
Dés que j’ai franchi le seuil, j’ai ouvert grand la main et, immédiatement, elle a pris son envol avec un long cri aigu : Remerciement, soulagement, que m’a dit ma petite bergeronnette ? Allez savoir mais l’aventure ne la, semble t’il, pas trop traumatisée car elle est toujours là attendant son repas et les miettes qu’on lui répand.
Toutefois, je crois bien qu’elle ne s’approche plus si près de la porte d’entrée afin probablement de n’être pas aspirée dans ces pièges à bergeronnette que constituent les maisons des hommes, chacun sait bien cela.
Et pendant ces brèves secondes où j’ai tenu dans ma main ce petit corps tiède et doux, j’ai été submergé non pas par un sentiment de toute puissance devant ces quelques grammes de vie palpitante mais par un sentiment de communion.
Nous partageons, bergeronnette et moi la même terre, nous sommes elle et moi fait de la même poussière d’étoiles et pendant quelques fractions de temps, elle la minuscule et moi le grand nous nous sommes retrouvé sur un pied d’égalité, voisins de palier en quelque sorte et parties essentielles du même grand tout, elle et moi, ni plus ni moins.
Claude