31.8.07

Putain de colombe




J’ai vu la colombe
La putain
De colombe
S’envoler
Ce matin
Je l’ai vue
la colombe
Quitter
mon jardin
Je l’ai bien vue
Cette putain
De colombe
Battre des ailes
Cap vers là-bas
Les yeux dans
Les étoiles
Je l’ai vue
Mettre les voiles
Droit vers les océans
Avec sur le devant
De son poitrail
Tout blanc
Etalée comme
Après la bataille
Une tâche de sang
Etalée sur le devant
De son poitrail
Tout blanc
Elle est partie ce matin
Elle a quitté mon jardin
Elle a battu
Des ailes
Et a disparu
A tire d’aile
Dans les lointains
La colombe
Blanche et belle
Si blanche si belle
Pour me faire cocu
Avec un pigeon
A la con

Moralité

Si vous voulez
Que chez vous
Jamais rien ne bouge
Contentez
Vous d’élever
Des putains
De poissons rouges

Claude

28.8.07

S'accouder




M'accouder au bar d'un rade
perdu en fond de rade
m'y mettre en cale sèche
comme revenant de pêche
et voir la vague laborieuse
lorgner en pute luxurieuse
les bittes de la jetée noueuse

Ouais! Encore une fois
m'appuyer
sur le dessus en bois
d'un bar bien peigné
et y rêver au bleu
de mers qui n'existent peu
et d'océans qui n'existent pas.
Plonger mes yeux las
dans ceux d'une gonzesse
taille fine,
petites fesses
une bien câline,
pour me faire l'aumône
d'un zeste de sourire
en guerrière amazone
de mes amours pour rire

Et puis j'écouterai
les histoires de celui-là
que je ne comprendrai pas
et je m'accrocherai
à cet autre
avec sa gueule d'apôtre
avec moi jusqu'au soir
et rire de nos désespoirs
les prendre à bras le corps
en cherchant dans la bière
des mirages peints en or
et en sortant, m'embourber le cul
dans le fond d'une ornière
seul en gueulant turlututu

Claude

25.8.07

Conte de la mer cruelle




Je n’ai pas le pinceau très habile mais j’ai récemment tenté de reconstituer de mémoire cette petite maison située un peu à l’écart du village où actuellement je vis ou je survis, c’est selon…
Je m’y rendais plus souvent que ne l’aurait souhaité la grand’mère qui ne voyait pas toujours d’un œil très favorable mes fréquentes visites à cette maison dont il ne reste plus rien sauf peut être cette peinture malhabile et quelques souvenirs enfouis dans la mémoire des anciens du coin.
Il faut dire qu’elle ne vivait pas seule cette femme entre deux âges, voire trois d’ailleurs, pour ce que j’en savais. Il faut dire qu’à regard de mes 10 ans, tout ce qui se mouvait au dessus des 35/40 ans faisait partie de cette masse indistincte que j’appelais les adultes voire les vieux. Cruelle enfance !!
C’est vrai qu’elle était apparue un jour comme ça dans notre village endormi, une petite de l’assistante, on dirait de la DASS aujourd’hui, tel avait été le verdict des autochtones du coin et la messe fut dite sans qu’il soit nécessaire d’aller y voir plus loin
Assistance, DASS ou bien encore d’ailleurs, quelle importance ! Elle avait les yeux de la même couleur que celle des iris qui poussaient près de la maison de la vieille. Des yeux d’iris et des jambes bronzées surmontées de genoux souvent couronnés avec des mollets zébrés de longues balafres car le demoiselle en m’entraînant dans ses expéditions m’avait maintes fois prouvé que rien ne lui faisait peur et elle le payait d’écorchures ou de plaies dont elle ne semblait guère se soucier d’ailleurs…

Elle comptait probablement pour cicatriser blessures et contusions sur les tiroirs magiques de celle qu’elle appelait mémé, même si aucun lien de sang ne les reliait toutes les deux sauf celui du coeur qui est bien plus important comme chacun le sait ou plutôt devrait le savoir…






C’est que Mémé connaissait les simples, celles qui poussent le long des chemins creux et qu’elle allait recueillir à des heures bien définies selon les espèces, très tôt le matin quand la rosée souligne la tige délicate d’une plante bonne pour les maux de ventre ou bien le bourgeon de celle là au soleil de midi et qui ajoutée à une autre serait un excellent vermifuge bien utile pour nous débarrasser de ces vers qui nous faisaient nous gratter parfois furieusement le fondement

Certains disaient même l’avoir vue les nuits de pleine lune se pencher pour des récoltes mystérieuses, une certaine sorte de champignons dont les chapeaux et les tiges prestement disparaissaient dans sa large ceinture de cuir garnie de plusieurs petites poches où elle enfouissait ses trésors et ses trouvailles.
Mais ça, je ne l’ai jamais vu déjà qu’il n’était pas toujours facile pour moi de m’éclipser de jour pour retrouver le chemin de la petite maison

Elle a disparu cette maison comme ont disparu la plupart des chemins creux que j’ai tant arpentés en compagnie d’un elfe gracieux et agile au regard d’iris et aux éclats de rire si clairs qu’ils en faisaient frissonner les feuilles des vénérables chênes des bords de talus en compagnie aussi de sa mémé dont les yeux semblaient lire jusqu’au fond de l’âme au moins pour ceux qui en possède une mais c’est de plus en plus rare malheureusement de nos jours

Ces plantes que j’ai voici longtemps appris à cueillir et à respecter sont devenues de nos jours de plus en plus rares. C’est pourquoi je vous en joins en gravures quelques exemplaires et si vous les apercevez, alors sachez que dans leurs formes et leurs couleurs traîne encore un restant de la sagesse des temps abolis, ceux où l’homme savait s’abandonner à la séculaire protection de la nature plutôt que de la piétiner ou de la détruire et elles cachent dans le replis de leurs pétales des secrets aptes aussi bien à tuer qu’à guérir.
Pauvres fous prétentieux qui ne voient pas la punition méritée s’avancer à grands pas, qui ne voient pas la catastrophe finale monter des infinis qui bordent les horizons, qui ne voient que les jours sont comptés pour qu’enfin la nature, seule et triomphante, puisse se ressourcer dans la sérénité et la patience des aubes primes…

Ce fût un de ces soirs de fin d’été qu’elle me prit la main et qu’elle m’imposât le silence en posant un doigt sur la bouche, ce fût un de ces crépuscules qui suit des après midi passés à parcourir le sentes et chemins où poussent, fiers et libres, ajoncs et genets, tout juste balancés par une brise légère gonflée de parfums de sel ramassés au dessus de la mer
Quand nous entrâmes dans la maison au sol de terre battue, une semi obscurité y régnait déjà et on pouvait voir la vieille en ombre chinoise assise devant le foyer où doucement brûlait une branche de chêne et sur laquelle elle jetait de temps à autre une poignée du contenu d’une de ses nombreuses poches, contenu qui crépitait et s’éparpillait en fugitives étincelles.

-Asseyez vous tous les deux sur le banc derrière moi, nous dit-elle alors que nous nous tenions parfaitement silencieux dans l’entrée Elle avait perçu notre présence je ne sais exactement comment mais nous fîmes comme elle nous le demandait et c’est côte à côte qu’on s’installa sur le banc un peu en retrait par rapport à elle

Il régnait en ces lieux une odeur à la fois douce et âcre et c’est en tendant l’oreille que je finis par percevoir des sons étranges, comme une sorte de lente psalmodie qui sortait de ses lèvres et il semble bien qu’elle utilisait une langue étrangère sortie peut être de la nuit des temps faite de sifflements avec de temps à autres des gémissements ou des sortes de plaintes.
Je ne sais combien de temps nous restâmes assis avec la petite main froide de mon elfe agrippée à la mienne sa joue posée sur mon épaule.
Nous restâmes ainsi parfaitement silencieux tous les deux. Une minute, une heure, plus ? Je ne saurais le dire, j’avais perdu la notion du temps qui passe, et seuls m’importaient les sons que j’entendais venir de la bouche de la vieille et les ombres qui se projetaient sur les murs blanchis à la chaux comme il était d’usage de le faire dans ces régions en ces époques là

Et soudain, les ombres se sont en quelque sorte « organisées », c'est-à-dire que nos propres projections se sont lentement transformées en paysage, celui d’une rade radieuse sous le soleil, une rade remplie de voiles de toutes les couleurs et de baigneurs fendant l’eau et d’enfants courant et criant et je l’ai vue et je l’ai entendue, la vague, monstrueuse venant d’au-delà les horizons. Une vague d’un blanc sale avec un bruit comme celui de cent mille tonnerres. Et personne ne semblait la voir s’approcher, de plus en plus haute, de plus en plus menaçante

Et la précédant, j’ai vu les cavaliers noirs galoper à son rythme, des cavaliers revêtus de cuir sombre avec leurs montures aux gueules écumantes et brandissant des bannières de noir et de rouge flottant et j’ai vu la grande marée s’étaler sur la grève, engloutissant tout son passage et je l’ai vue dépasser le niveau des mortes-eaux et venir à l’intérieur des terres pour envahir les rues des villes insolentes, monter à l’assaut de leurs fiers gratte-ciel, engloutir hommes et femmes dans des maelströms infernaux avec des bruits de fin du monde…
Et l’eau qui montait et montait à la suite des destriers de l'enfer et de leurs cavaliers galopant sans répit par plaines et monts, glapissant et hurlant injures et obscénités...

Et c’est là que je l’ai vu mon elfe avec ses yeux d’iris à transpercer les âmes, c’est là que je l’ai vu, frêle et forte tout à la fois, lever le bras et arrêter soudain dans leur course les cavaliers aux noires figures

Bras dressés, mains levées, face au soleil qui montait au dessus de la poussière d’eau empanachant la vague monstrueuse, le regard impérieux, elle imposa sa puissance aux forces aveugles de destruction.
Et les cavaliers aux visages de fureur et de mort, vaincus pour cette fois encore, s'en retournèrent pour s’enfoncer dans les flancs de la vague géante qui commença alors à se réduire puis à reculer pour laisser derrière elle dans les plaies béantes ouvertes par sa folie destructrice la possibilité de régénération des nouvelles terres à venir…

Je n’ai jamais revu la magicienne, habitante de cette petite maison située un peu à l’écart du village et que j'ai tenté de faire maladroitement revivre au travers des prismes de la mémoire d'une main malhabile.
Je n'ai jamais revu la petite fille, cette douce compagne de mes jeux de l’enfance, mon elfe aux yeux d’améthyste dont nul ne sait d’où elle venait mais quelle importance cela a-t-il aujourd'hui?

Et il ne me reste plus maintenant qu’à patiemment attendre l’arrivée de la vague, celle qui viendra d’au-delà nos horizons car je le sais qu'elle viendra pour s'affaler sur les terres insouciantes à un sort inscrit dans la marche de l'étoile en même temps que dans les pétale d'une sauvage et odorante fleur des champs.

Et parfois, il m’arrive de ressentir des tremblements qui s'en viennent ébranler les fondations de ma vielle maison et un bruit à peine perceptible s’en vient griffer mes nuits sans sommeil et je sais qu’elle est là, qu’elle se tient prête pendant que, immobiles, les cavaliers de l’enfer attendent d’enfourcher leurs cavales aux yeux fous et que leurs oriflammes rayés de rouge et de noir doucement claquent à la brise marine….

Claude

23.8.07

Pet's saga

Lors d'une de mes tribulations toilesques, je suis tombé sur un site qui m'a rempli de joie en même temps qu'il répond à des questions que depuis longtemps je m'étais posées sans avoir jamais osé en demander les réponses
Facts on farts, ça s'appelle et c'est rédigé par une dame répondant au joli nom de Brenna, Brenna Lorenz pour être précis.
Je me fais un plaisir de vous livrer l'adresse de cet intéressant site: http://www.heptune.com/farts.html

Pour ceux pas vraiment familiers avec la langue de Shapespeare, sachez que le titre peut se traduire par «La saga du pet» et vous conviendrez avec moi que c'est un sujet qui mérite toute notre attention et qui ne souffre pas la médiocrité avec laquelle trop souvent on le traite

Alors pour les non anglofaunes (même l'après midi), l'après midi d'un anglofaune, whouarff!!!, donc pour les sus nommés non anglofaunes, je vais faire un effort et tenter de traduire la plus substantifique moelle de cette saga du pet...

Première constatation, nous pétons tous, vous, moi, enfin moi surtout, je ne voudrais pas vous offenser. Nous pétons tous, même le président et ses ministres, le pape et ses évêques et jusqu'aux présentatrices de la télé qui sont si mignonnes et n'ont pas vraiment la tête à ça, à péter je veux dire.
Et pourtant...

Quand j'étais plus petit dans ma famille pauvre, je pensais que les riches, les peepholes comme on dit maintenant n'émettaient pas de ces bruits certes parfois bien disgracieux mais qui arrivent aussi à mettre en joie les âmes simples dont maintenant je suis.

Commençons donc par le plus simple: Combien de fois pétons nous par jour? Eh, bien, sachez que nous procédons à cette activité une moyenne de 14 fois, les hommes étant dans la fourchette haute au détriment des femmes sans que l'on sache à quoi cette différence tient.
Encore un des méfaits de l'inégalité des sexes sans doute, à moins que nos distinguées compagnes sachent faire montre de plus de discrétion que nous autres les zommes...

Et pourquoi le pet fait-il de ces bruits parfois bien indiscrets en sortant de cet orifice naturel qu'on appelle anus et bien tout simplement, c'est qu'il fait vibrer les parois de ce sus nommé anus. Petit coquin va!!!
Et aussi, quand commençons notre activité pétière? Dés le matin au réveil en fait, les anglosaxons appellent cela «morning thunder», tonnerre matinal, pas besoin de broder plus mais à condition d'avoir une bonne acoustique, la maisonnée doit pouvoir participer auditivement à cette indispensable et matinale expulsion gazeuse...

Pour les plaisantins qui se posent la question de savoir si on peut mettre le feu à un pet, sachez que c'est tout à fait possible mais l'assistance d'une main compatissante peut être d'une utilité certaine sans que se soit nécessairement celle de notre Johnny national. Soyez assurés toutefois que cette activité n'est pas sans risque et que la chirurgie réparatrice en cet endroit précis est une tâche difficile pour le chirurgien et pénible à supporter pour l'imprudent expérimentateur

Enfin, dernier point qui me répond à ce questionnement depuis si longtemps resté sans réponse. Savez vous quel est l'animal qui émet le plus grand volume de gaz intestinaux? Tout comme moi vous penserez à la vache bien sûr. Eh bien, vous aurez perdu! Le plus grand contributeur animal à l'effet de serre par pet interposé (ce putain de bordel de merde d'effet de serre à la con qui nous fout notre météo cul par dessus tête et que ça fait deux mois qu'on n'a voit plus le soleil sur notre si belle Bretagne, pffft, excusez moi mais ça fait du bien). Oui, le plus grand péteur du monde animal, c'est le termite, modeste et silencieux mais incroyablement prolixe en émissions gazeuses. Enfin c'est ma copine Brenna qui nous le dit avec preuves à l'appui

Bon, je ne vais pas vous traduire tout le texte quand même, fallait mieux bosser votre anglais à l'école si vous ne comprenez pas tout mais sachez qu'en ayant un peu mieux travaillé les langues, vous auriez les réponses à ces si existentielles questions: Pourquoi ça sent pas bon par exemple et vous sauriez aussi si les poissons pètent, pourquoi il ne faut pas croire qu'un rot serait un pet qui serait sorti du mauvais côté (Bande d'ignorants,va!) et enfin, qu'est ce qu'il se passerait si vous vous mettiez à péter sur Venus? Bon, oui je sais, c'est pas demain que ça risque de vous arriver mais avec les progrès actuels de la science, allez donc savoir et un péteur averti en vaut deux...

Bien! J'arrête donc là cette chronique bien sentie et je m'adresse aux trilingues de l'assistance (Je suis sûr qu'il y en a ) en leur disant comme on dit outre-Rhin: Gute Fahrt !!!

Claude

18.8.07

D'un coup de stylo





Tu vois, j’ai repris mon stylo
J’me suis encore jeté à l’eau
Pour dire à nouveau
Que le monde est beau
Que vivre vaut le coup
Malgré tout !

Voir encore les matins
Se lever sur les chemins
Saisir à pleines mains
Ce que la vie offre
Pour remplir son coffre
Entonner un refrain

Avant le grand silence
La définitive absence
Respirer sous le soleil
Sourire aux merveilles
Offertes
Ouvertes
Quand on entend
Le vent caresser les feuilles
Quand on franchit le seuil
D’un amour qui attend

Oui ! Vivre vaut le coup
Avant que d’aller au trou
Rejoindre le jardin de pierre
La retraite de nos fins dernières

Mais pas avant le plein
De la douceur d’une main
D’un regard noir
Pour affronter le soir
Du galbe de tes hanches
Dans tes habits du dimanche

De la forme de tes seins
Et le creux de tes reins
Où je me perds
Comme dans un aber
Pour encore un naufrage
En chemin de pèlerinage
Pour oublier un instant
Tout ce qui nous attend

Tu vois je l’ai repris mon stylo
Avec l’envie de me foutre à l’eau
Je l’ai repris mon stylo
Mais les mots qui en sortent
Et que le vent emporte
Ne sont que le début d'un sanglot

Claude

12.8.07

De port en port




J’ai aimé ces matins même si maintenant ils sont devenus bien lointain, je les ai aimés, peuplés de ces filles que je rencontrais dans des lits de passage, dans des chambres étrangères aux papiers peints défaits, dans des hôtels sans âme mais, au réveil, emplis d'odeurs d’amour et de goudron que je sens encore si prégnantes dans mes narines
Elles me faisaient don de leurs corps sans réticence et j’en profitais sans vergogne même si parfois tant d’abandon m’amenait des remords car je savais déjà le prix des amours sans lendemain.
Elles se donnaient sans retenue et je me souviens de ces corps blancs, noirs ou bruns offerts sur des lits ouverts et j’emmenais avec moi en les quittant des zestes de leurs parfums, ces parfums qui étaient leurs dernières vêtures et aussi au bout de mes doigts ces autres odeurs de leurs intimités mouillées et qui me restaient après comme l’un de leur derniers présents
Et mes copains d'alors, ce Canadien par exemple, complètement fou que j’ai vu un jour gesticulant tout nu sous la lumière d'un réverbère en gueulant comme un perdu devant quelque flics lancés à sa poursuite et levant les bras au ciel comme un démoniaque épouvantail, comme un immense oiseau dépenaillé courant comme pour prendre son envol et qui finit par sauter du haut du quai dans les eaux sales du port où il s’est noyé. Putain de Canadien!

Je les ai aimés ces matins d'aubes grises et mal débarbouillés, ces matins qui suivaient des nuits passées dans un bar à discuter de n’importe quoi avec n’importe qui, avec tous ces paumés que la nuit sait engendrer et qu'on n'aperçoit jamais de jour.
Et ce grand nègre qui un soir s’est dirigé vers moi l’air menaçant en disant qu’il n’appréciait pas mon regard et alors que je cherchais une chaise pour me protéger ou pour lui casser sur la tête, je n’en sais rien, était parti d’un rire tonitruant en disant que j’étais tout con de l’avoir cru, qu’il n’allait pas me manger et que je me souviens encore de ses dents blanches qui lui faisaient le sourire si éclatant et que, quand même, j’avais été soulagé de voir que ça s’arrêtait là car, franchement, je n’aurais pas fait le poids…

Rosie, elle s’appelait et elle était si étroite que je sentais clairement son vagin se contracter sur mon sexe au moment où elle jouissait. Et quand il arrivait que nous jouissions de concert (sans jeu de mots) alors s'ouvraient pour nous toutes grandes les portes du paradis. Au moins celle là, elle ne pouvait pas tricher sur ses «sentiments» et je garde ce souvenir précieux pour venir agrémenter le fond de mes nuits solitaires.

Et j’étais copain avec des patronnes de bouges qui me confiaient leurs souvenirs ou leurs projets d’aller élever des oies ou d'autres volatiles dans une lointaine campagne où elle n’auront jamais été bien sûr et parfois, après le coup de chaud du soir, on passait dans l’arrière boutique où une fille avait préparé des pâtes aux anchois comme je n’en ai jamais retrouvé ailleurs et je mangeais entouré de femmes qui n’étaient pas toutes tévanescentes comme dit Brel dans une de ses chansons, loin s’en faut, et on riait à des bêtises futiles et souvent, l'air alors grave, elles me confiaient leurs secrets et je finissais de temps à autre au lit avec l’une d’elles et les autres nous lançaient des clins d’œil de connivence en me demandant d’être bien à la hauteur…

Et je les vois passer devant mes yeux fermés toute cette panoplie hétéroclite de complices de beuveries inachevées et d'amours non tarifées, je les vois, les vivants et les morts, ceux qui ne sont déjà plus, ces compagnons et ces amies de mes nuits où j’aimais me mettre en danger peut être pour être certain que j’étais encore vivant et alors je pouvais défier la vie, la mort, les bienséances et les bonnes manières que je haïssais tant..
Je les ai aimés ces petits matins qui pourtant avaient déjà de prémonitoires gouts de défaite car je savais qu’ils auraient un jour une fin, je savais bien que le temps, cet éternel vainqueur au poing ou par KO de nos pales destinées finit toujours par gagner tous ces combats menés, des plus glorieux aux plus misérables.
Le temps saurait un jour me faire revenir dans le droit chemin avec pour seule occupation celle d'évoquer en sourdine mes beaux petits matins, si loin aujourd’hui, si loin mais encore si présents à mon souvenir et je l’entends qui rit, toute tendre et douce et je la vois, nue et fraîche, si fraîche, m’ouvrir ses bras pour que je m'y réfugie, encore et toujours, que je me soumette à la tendre prison de ses bras blancs et minces et à la pression insistante de ses cuisses accueillantes…

Attends moi, dis voir, attends moi, tu vois, je viens, oh, putain, attends puisque je te dis que je viens….

Claude


7.8.07

Bretonnes bacchanales





Je les vois du coin de l’œil quand je contemple l’ancien cimetière maintenant vide de ses morts, décoré de buissons d’hortensias et de pierres arrondies ramenées de la rivière voisine…
Je les vois.
C’est comme une brume légère parcourue de brefs éclairs électriques
Tous ces diaphanes filaments planent à côté de l’église, ils tournent autour d'elle et soudain réapparaissent à mes yeux et je suis le seul à les voir dans ces matins qui ne méritent pas encore ce nom, de ces moments avant que le soleil ne monte au dessus des horizons ou bien le soir quand l’ombre s’en est doucement venue pour s’étendre sur la terre
De ma fenêtre alors, je fixe l’ancien cimetière maintenant vide d’habitants, c'est du moins ce que les autres croient

Et je la vois danser l’âme de cette Marie dont je n’ai jamais su le vrai nom et que je regardais pisser impassible, tout debout, le jour où les bolées de cidre avaient été nombreuses, pisser à l'endroit où elle se trouvait sans prendre la peine de retrousser ses jupons tout en parlant à la grand mère et je voyais une grande flaque se former sur le sol, en dessous de ses jambes écartées et ça devant mes yeux d’enfant ébahi lançant à la grand mère des regards questionneurs auxquels elle répondait par des sourcils levés au ciel

Et je les aperçois mes filaments électriques s’entrecroiser, descendre et s’élever pour moi qui en suis le seul spectateur et tant pis si vous ne me croyez pas, gens de peu de foi, je sais moi qu’ils existent bel et bien et qu’ils continuent ainsi les bacchanales de leurs enveloppes de chair déjà bien commencées de leur vivant…

Et Jean, le forgeron du village dont j’occupe aujourd’hui la forge réaménagée et qui mourut suspendu à la corde avec laquelle il avait mis en branle un angélus de dix heures du soir apocalyptique, angélus qui se termina brusquement quand il rendit à Dieu son âme noire dans un dernier râle dans l’église déserte, pendu à ces cordes noueuses qu'il connaissait si bien et dont il s'était entouré le cou au moment de l'une de leurs remontées et c’est le curé venu aux nouvelles de cette intempestive sonnerie qui le découvrit, jambes en l'air et langue sortie, avec aux lèvres un rictus peut être du à la vision des enfers pour lesquels sans nul doute il était destiné.
Le même curé qui ne se rendit pas à l'enterrement de son modeste collaborateur, croque-mort et artisan patenté des fêtes carillonnées, mis en terre dans cette portion de terre non consacrée, sous l’if triste et vieux, portion réservée à ceux qui décidaient de quitter cette terre de leur plein gré et partaient ainsi chargé d’un impardonnable péché mortel

Et mes filaments dansent et se frôlent, légers et gracieux. Ils caressent même me semble t-il les pierres de l’église dont certaines parties proviennent d’un autre lieu de culte dont on ne se souvient plus de l’endroit d’édification et peut même pas du dieu pour lequel ses murs avaient été élevés


Et Pierre aux yeux aux couleurs des mers du sud, qui avait beaucoup voyagé et qui, un jour, ne plus pu supporter les cieux gris crochés en terre et la terre grasse à laquelle s’accrochaient ses sabots de bois.
Jean qui un soir où le tumulte né dans sa tête sonnait ses cent mille carillons, s’étendit sous les toiles d’araignées centenaires du grenier où personne jamais n’allait et cala son vieux fusil de chasse sous le menton et l’un de ses yeux, le gauche je crois, chassé par la déflagration quitta son orbite et vint se poser sur une pièce de bois face à la montée, un œil d’un bleu étincelant aux couleurs de mers lointaines semblant mis là pour accueillir ceux qui montèrent à l’échelle de meunier après le bruit de l’explosion et qui leur laissa une si forte impression que si longtemps après les anciens du village en parlent encore avec des frémissement dans la voix

Et elles dansent mes ombres et je les vois ces brefs éclairs lumineux et je crois bien qu’ils se tiennent par la main et ils tournent, montent et descendent et je bats la mesure avec la main et les hommes soulèvent haut les femmes et je vois leurs dessous tout blancs et j’entends leurs rires malgré la fenêtre fermée et vous ne me croyez pas bien sûr, vous autres esprits forts et incroyants de tout acabit mais je sais qu’ils sont là et que jamais ils ne quitteront cet endroit qui est le leur pour l’éternité et peut être même plus

Et Jeanne, la belle et tendre Jeanne que je vis en fin d’après midi de moisson du haut du noyer dans lequel le garnement qu'alors j’étais s'était juché, silencieux et attentif sur l'une des plus hautes branches et bien caché par ses frondaisons.
Et c'est là que je la vis, ma tendre et belle Jeanne, aux grands yeux innocents, les jambes blanches bien écartées et les jupes retroussées jusqu’au menton se faire besogner par l’un de cousins miens, étendus qu’ils étaient sur la charrette remplie de beau foin odorant et tirée par un cheval noir qui les ramenait, indifférent à sa charge d’amour et d’herbes coupées, vers la cour de la ferme et qui peut être mesurait sa marche à l’aune de l'intensité des soupirs amoureux échangés afin qu’ils aient le temps de finir leur petite affaire et de se réajuster bien proprement avant que l’équipage au complet ne s’arrêtât enfin devant la grange pour y laisser son chargement

Et la « gendarme » comme on l’appelait peut être parce qu’elle avait été mariée à un vrai gendarme depuis longtemps mort.
Elle dont j’ai toujours ignoré la véritable identité et qui s’accoudait à sa fenêtre les jours de sortie de l’église de la congrégation pour une traditionnelle procession et qui engueulait l’univers, Dieu qui l’a créé à ce qu’on dit et surtout le recteu’ du village, comme on disait alors, son bien modeste représentant en ce bas monde et elle lui sortait toutes sortes d’insanités et d’injures bien senties avec des détails graveleux sur sa prétendue échevelée vie sexuelle et le pauvre homme resserrait les pans de sa soutane d’un geste frileux autour de ses jambes grassouillettes et pressait le pas du troupeau des fidèles, bannières au vent précédés des enfants de chœur dont je fus un temps partie, en route pour faire dévotion à je ne sais plus quel saint (mais il en avait tant à cette bien lointaine époque) et il accélérait le pas pour que l’ensemble de ses ouailles ne s'écorchât plus les oreilles pour discerner ces mots qui nous faisaient, nous autres gamins, ricaner et nous nous les répétions entre nous avec délectation les jours suivants en route pour l’école, pour faire aussi rougir les filles qui n'en pouffaient pas moins sous cape car elles étaient bien plus que nous au courant des choses de la vie mais nous ne le savions pas encore...

Et elles montent légères et gracieuses mes ombres du passé et je les regarde seul quand me tient debout l'absence de sommeil et je suis seul dans le village endormi à les voir surgir de mon passé et je sais que vous ne me croyez pas, vous autres, gens des villes et des campagnes, gens de peu de foi et aptes à rire de ce que vous ne comprenez pas, que vous ne comprendrez jamais mais je m’en fous, je les vois et je m’en tape que mes histoires ne vous intéressent pas, ils sont là et bien là ces restes de souvenirs qui peuplèrent mon enfance et je les retrouve, légers et gracieux tournant leurs bacchanales autour de l’église, de cette église dont l’ombre portée s’en vient le soir obscurcir ma chambre quand le soleil décline à l’occident….

Claude

3.8.07

Pensées baroques




Je t’aurais emmenée avec moi pour que tu mélanges tes pas aux miens pour prendre le chemin quand l’aube se lève à peine sur une ville étrangère.
C’est beau, tu sais, une ville à son réveil, une ville encore habillée des miasmes de la nuit qui se secoue pour s’en débarrasser et c’est ainsi que nous aurions parcouru ensemble des rues désertes où nos pas comme ceux de barbares conquérants auraient fait se précipiter pour nous épier derrière leurs rideaux tirés des habitants apeurés sans raison

Je t’aurais emmenée aussi sur la terrasse du club des planteurs où les récoltants se prennent pour des lords anglais de vieille souche, comme à Darjeeling, face aux montagnes barrant l’horizon et nous aurions alors bu un thé odorant venant de la récolte de printemps, juste quand les jeunes pousses s’ouvrent et allongent au soleil levant leurs tiges fragiles caressées au passage par la main des femmes aux profonds paniers d’osier et nous aurions repris notre marche vers Bantok, là où les forêts cachent encore dans des replis cachés les teks dont on faisait la coque de voiliers conquérants

Et je t’aurais emmenée là où la terre s’amuse à n’être plus qu’un fantôme d’eau, là où la mer dans ses murmures joue à se briser en terre et là, nous aurions fait l’amour jusqu’à en oublier les vagues et j’aurais mélangé l’odeur de ton sexe à la trace de tes larmes pour que ensemble ils se joignent aux embruns salés qui auraient alors fermé nos horizons


Claude

1.8.07

Fleurs et couleurs




Ça commence en blanc. Comme si le jardin avait du mal à oublier les chutes de neige de l’hiver dernier. Je surveille donc les premières pousses du lilas blanc qui s’élève le long du pignon de la maison en compagnie d’un arbuste qui donne des fleurs en forme de boule de neige puis un autre dont les fleurs, blanches, ont une odeur prononcée de citronnelle
Au printemps, le jardin est ainsi non seulement de blanc vêtu mais en plus il sent bon. Je reste souvent debout, je regarde et je me laisse pénétrer de toutes ces odeurs et de ces couleurs qui sont celles de la vie en marche
Je ne connais pas le nom de toutes les plantes qui le compose, certaines plantées par mes soins, d’autres qui ont poussé à l’état de sauvage et que j’ai laissé vivre leur vie de plantes

Je devrais connaître leurs noms. Savez vous que j’ai connu une époque où tout dans la nature possédait un nom: On allait du champ des noyers à la prairie des Mertiaux en empruntant le chemin des Viornes. Les animaux eux même avaient un nom, les vaches : La Bouclée, la Blanche…et les chevaux aussi : Bijou, le Noir etc. Seuls y échappait le menu fretin de basse cour et le cochon perdu en fond de cour dans son infecte soue…
Aujourd’hui, on a perdu le contact direct avec la nature, les champs sont des parcelles de terre, les animaux sont de simples numéros. Et les fleurs et les plantes poussent dans l’anonymat complet

La floraison avec le temps qui avance se poursuit avec des teintes de plus en plus vives comme si la nature prenait enfin confiance en elle-même.

Pour prendre la place des lilas de la haie, ce sera le tour des rhododendrons aux teintes rose pastel, puis le jaune des genets qui nous viennent du temps de la grand-mère bien que le jardin ait été complètement retourné lorsque nous avons du refaire le mur du fond.
Et je n’oublie pas le rouge éclatant des pivoines et le bleu soutenu des plans de lavande et même les timides bruyères habillées de mauve tiennent à jouer un rôle dans cette symphonie et puis les hortensias et les dahlias plantés le long du mur et ça finira par l’éclosion des asters bleus avant que tout se prépare pour les frimas à venir

Et alors j’écouterai les cris des enfants de l’école proche, ces cris qui montent à l’assaut du ciel et se fracasseront un jour sur les murs qu’auront pour eux érigés les adultes.

Je regarderai aussi la marche des nuages dans le ciel, de ceux qui s’en viennent du large avec leurs saveurs salées et je saurai qu’une saison est passée et je me préparerai à rentrer en hibernation avant l’arrivée bien lointaine des premiers perce-neiges.

Parfois, je sais que je verrai en route vers le sud un vol d’oies nordiques dont le vol dessinera dans le ciel un V flamboyant et je reviendrai lentement vers l’âtre où se consumera la bûche d’un chêne du bois voisin.

Et à nouveau je chercherai dans les flammes crépitantes la réponse à ces questions qui me hantent sur l’âge qu vient et sur la vanité de nombreux combats passés


Claude

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