29.11.05

souvenir


Je me souviens de ce soir là. C'était à l'époque où je pratiquais le vol à voile. Une activité splendide soit dit entre nous et j'y consacrais l plupart de mes temps libres en y incluant bien sûr les fins de semaine

C'était lors d'une de ces fins d'après midi quand tout incite à la contemplation et au repos. Et j'ai gardé précieusement dans un coin de mon esprit la vision de ce couple là. Elle, jeune avocate, lui officier pilote de l'armée de l'air. Elle le regardant avec des yeux amoureux et lui, lui ébouriffant les cheveux d'un geste tendre.

Je sors d'un milieu défavorisé, une mère vendeuse, un père disparu depuis longtemps et un beau père, ridicule et odieux. Il faut dire que je sortais de l'adolescence, 18, 19 ans environ avec toutes les injustices et préjugés de ces âges là.

Et je contemplais ce couple avec envie, nostalgie, tristesse aussi car à deux pas de moi mais aussi loin qu'une lointaine étoile, j'avais l'aisance, la classe, l'éducation. Toutes choses qui m'étaient sans nul doute interdites.

Quand ils allaient repartir, ils rejoindraient une habitation grande et élégante (au moins l'imaginais ainsi car notre proximité n'a pas été jusqu'à m'inviter chez eux) et moi j'irais dans une rue sombre de la vieille ville, monter un escalier pentu et puant pour retrouver les quelques m² où s'entassait la famille. Une belle voiture les attendait et j'allais quant à moi enfourcher mon vieux vélo et pédaler tout au long des seize kilomètres qui me séparait de la ville

On garde probablement chacun en un coin de sa mémoire des images comme celle là, sans que l'on sache exactement pourquoi. Grand mystère de la sélectivité de la mémoire. Aujourd'hui et bien des années après cette brève rencontre, ce ne sont plus que deux ombres bien rangées dans l'une des circonvolutions de mon cerveau.

Je ne sais plus leur nom, je crois bien d'ailleurs que je ne l'ai jamais su. Sont ils encore vivants; elle et lui? Il faut dire que cette scène se passait en 1957. Se sont-ils aimés longtemps, ont ils eu des enfants? Ou alors le temps assassin qui se plait à détruire et casser a t-il condamné l'un des deux à souffrir maintenant encore d'un mal inguérissable.

Oh! Être encore ce jeune homme de 18 ans, pouvoir faire que le temps suspende son vol, que le regard amoureux d'une jeune femme s'attarde encore et toujours sur le visage de son compagnon et que celui-ci doucement lui caresse ses cheveux, tout dans la douceur d'une fin de journée dans la lumière innocente d'un été finissant.

28.11.05

ankou suite

Comme je le disais, la Bretagne aime à mélanger l'étrange avec l'extraordinaire mais cela n'empêche pas ses habitants de pratiquer l'humour voire l'autodérision. Dans cet état d'esprit, je vous joins cette "oeuvre impérissable" concoctée après " l'ankou", façon sérieuse mais il faut savoir rire ou sourire de tout, n'est-il pas vrai?
Bonne lecture





L’
ANKOU D’SANG

C’est l’Ankou
L'Ankou
Bien d’chez nous
L’Ankou
Qui court le guilledou
C’est l’Ankou
Ouh!ouh!ouh!
Du haut Poitou
Ou d’Plemeur Bodou
Je n’sais plous
C’est l’Ankou
Conté par les disous
Et dit par les contous
L’Ankou
En quête de guilledou
Fouettant ses haridelles
Pour quérir les demoiselles
Poussant ses deux chevaux
Pour arder les jouvenceaux
C’est l’Ankou
Qui fait le tour du plou
En mal de guilledou
Susurrant son chant doux
Ouh!ouh! ouh!
C’est l’Ankou
Un peu fou
En proie au guilledou
Dans son charrettou
Tout d’bout
Comme un vieux loup
D’mer de chez nous
L’Ankou
Conviant à ses rendez vous
Les jouvenceaux
Si beaux
Et les belles
Pucelles
Prêtant leurs oreilles
Pour croire en
Ses serments
Et en ses merveilles
Mais tout doux!
Méfie toi de l‘ankou
N’écoute pas son chant si doux
Si, mon petit loup
Tu n’veux pas ipso factou
Bientôt l’avoir d'an'l’kou

Claude

26.11.05

L'ankou

La Bretagne est un pays où l'étrange et l'extraordinaire aiment à se mélanger. Et pour ceux qui aiment écouter, le vent charrie parfois des chants aux accents de fantastique et ceux qui savent regarder pourront voir dans les nuits sans lune aux croisements des vieux chemins traverser la charette des morts conduite par ce personnage incontournable des legendes des vieux pays celtiques. L'ankou car c'est de lui qu'il s'agit et qui m'a inspiré cette ballade
Bonne lecture et kenavo

L’ANKOU





C’est quoi ce grand bruit
Ces claquements de sabots
Qui résonnent dans la nuit
C’est quoi ces chevaux
Aux naseaux ouverts
Au vent froid de l’hiver
Et qui déchirent le silence
De ce village en dormance
C’est quoi ces cliquetis
Que j’entends de mon lit
C‘est quoi cet équipage
Dans son avancée sauvage
Qui s’en vient du néant
Tout en soupirs et grincements

Ce n’est rien, mon garçon, mon enfant
Viens près de moi, viens t’en
Ce sont les cavales aux yeux fous
Sous le fouet de l’Ankou
Debout dans sa carriole
Dans une course folle
Qui vient et qui réclame
Tout son content de pauvres âmes

C’est quoi ce tourbillon soudain
Cette sueur sur mes mains
C’est quoi ces lueurs
Qui passent par nos volets clos
Ces cris et ces rumeurs
Ce balancement d’un tombereau
Qui roule et vacille sur les pavés
Luisant de la dernière ondée
Autour de leur clocher
Face à l’obscurité
Ne dirait on pas
S’il te plaît! dis le moi!
Que les maisons du hameau
Rassemblées comme un troupeau
Se dressent comme ultime rempart
A cette sourde course barbare

Sois tranquille, mon amour, mon petit
Viens près de moi, viens t’en ici
Ce ne sont que cavales aux pieds fous
Qui galopent sous le fouet de l’Ankou
Debout dans sa carriole
Dans une course folle
Qui vient et qui réclame
Sa cargaison de pauvres âmes

Claude


24.11.05

Bizarre


BIZARRE

Il se passe quelquefois des choses bizarres dans la vie. Ce matin, j’ai pris le bus pour aller chercher mon petit fils dans une école du quartier. Et là, oh surprise ! J’ai été pris d’une espèce d’allégresse en croisant toutes ces jeunes mères, quelques pères aussi accompagnant leur progéniture sur la voie du savoir et de la culture réunis.

Pris d’une sorte d’allégresse légère à me sentir partie de ce drôle de conglomérat qu’on appelle genre humain. Difficilement explicable ce sentiment parmi des gens vieux, des jeunes, des beaux, des moches, des idiots congénitaux ou des types super brillants (mais ça, ça ne se voit pas forcément à l’extérieur).

Peut être suffit il d’un sourire, du cri d’un enfant pour que survienne ce sentiment d’appartenance à cet ensemble cité plus haut, un sentiment de solidarité avec tous ces gens côtoyés l'espace d'un instant, et en y intégrant les grincheux, mal polis, revêches de tout poil et tout crin, en dépit même de la présence de nos bleuettes, (en effet, elles sont bleues maintenant après avoir été aubergines, elles ont par chance échappé au caca-d’oie), intraitables vestales et farouches gardiennes des places de parkings tarifées des trottoirs parisiens.

C'est vrai, j'aurais pu naître hanneton, girafe ou quelconque batracien. Mais non, je fais partie de ce groupe là, de cette race là et cette idée, saugrenue et intempestive, en me traversant l’esprit m'a mis en joie. Le soleil matinal sur Paris y a été certainement aussi pour quelque chose qui ajoute une touche de gaîté au spectacle intemporel et aérien d’une rue parisienne à huit heures du matin.

Dans le fond, je suis badaud de profession, déambulateur de vocation et entomologiste de surcroît et à l’affût de scènes entraperçues qui souvent valent celles proposées sur les grandes toiles blanches, je n’irai donc pas au cinéma aujourd’hui, j’ai eu mon saoul de spectacle, gratuit de surcroît, d’autant que rien ne semble valoir le déplacement que j'ai été à faire et que j’ai rempli ma besace à impressions

Curieuses ces idées qui me traversent l’esprit, je me demande parfois si ça ne me vaudrait pas un séjour à l’hôpital psy du coin si je venais à confier tout ça au premier passant venu, soigné que je devrais être pour excès d’espérance en l’humaine nature. Si ça se trouve, c’est même remboursé par la sécu, allez savoir…

C'était un matin du printemps de cette année, le temps a bien changé depuis. Dommage...

Claude à Paris




22.11.05

un peu d'humeur



Je suis revenu en province, en Bretagne du nord plus exactement. Beau mais froid, le vent s'est levé cet après midi qui rajoute à l'impression de fraîcheur environnante. Je ne vois pas le rapport avec ce qui prècède et ce qui va suivre mais ça doit faire le charme des raccourcis et des coq-à-l'ane qu'aime à prendre l'esprit humain.



Alors, je ne sais pas si vous étes comme moi, c'est à dire surpris par le nombre des "fils de" et de "filles de" dans tous les domaines de la vie privée et publique. Vie privée je le conçois: Qu'un patron puisse souhaiter faire bénéficier son ou ses rejetons de son travail et pourvu que ces derniers en soient capables n'est pas forcément scandaleux même si comme d'habitude en France, il heurte ce sacro sens de l'égalité pour lequel nous sommes si attachés et pas toujours pour de très nobles raisons Mais dans la sphére privée, celà devient beucoup plus discutable. Or, vous n'aurez pas, tout comme moi , été sans remarquer le nombre "d'héritiers" qui sévissent dans le domaine de la télévision en particulier. Le carnet d'adresses des parents ou grands parents marche à plein régime sans nul doute Certes, certains ont du talent mais bien souvent pas plus que d'autres qui n'ont pas eu, eux, la chance d'être bien nés. Et, sous nos yeux, nous voyons se recrèer les charges héréditaires apanage de cet ancien régime si décrié de ces révolutionaires de salon avec plein de grands mots à la bouche mais qui n'hésiteront pas un instant à donner le coup de main à "fiston et fifille" au détriment du pauvre petit jeune bien éloigné des centres du pouvoir et de la pépinière, parisienne pour l'essentiel, de "people" dans laquelle évoluent nos élites télévisuelles

Claude

20.11.05

parce que c'est dimanche

SAISONS

Parce qu’il y a le printemps
Comme un clin d’oeil des dieux
Parce qu’il y a des longtemps
Parce qu’il y a des adieux

Et parce que c’est l’été
Quand tendre le vent s’éveille
Parce qu’il y a ta beauté
Parce qu’il y a ton sommeil

Et parce qu’il y a l’automne
La couleur de tes yeux
Parce que je suis un homme
Et parce que je te veux

Et parce que c’est l’hiver
Tout blanc comme tes mains
Parce qu’il y a des hiers
Parce qu’il y a des demains

Parce que ce soir je t’aime
Parce que des souvenirs me viennent
Une larme dans des yeux qui se ferment
Coule sans que rien ne la retienne

Claude

16.11.05

sida



SIDA

Je voudrais parler du sida, non pas comme un spécialiste que je ne suis pas du tout mais comme un honnête homme au sens que l'on donnait à cette expression au dix huitième siècle avec ce que j'ai glané de ci de là au travers de mes lectures dans des livres ou dans la presse ou sur le web. Beaucoup a été dit sur ce fléau et les sites qui abordent le sujet sont légions.

Tout d'abord, une constatation de bon sens et même si c'est un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître comme le dit Aznavour, il fut un temps sans sida.

Cela peut sembler incroyable mais c’est pourtant le cas; le sida, c’est nouveau, ça vient de sortir pourrait on dire. Oh, bien sûr! Les maladies sexuellement transmissibles dont il fait partie existent bel et bien et de tout temps vraisemblablement: Syphilis, blennorragie, chancres divers et variés, j’en passe et des «meilleurs» mais tous ont au moins une différence essentielle avec le sida: Ce sont des maladies guérissables à la différence du sida qui lui ne lâche jamais prise même si un cas récent semble démentir cette assertion mais le fait demande confirmation c'est à dire le retour spontané à une seronégativité. Guérissables donc les MST «ancien modèle» avec parfois bien des difficultés certes mais des traitements adaptés finissent généralement par en arriver à bout ce qui n'est d'ailleurs pas une raison pour les prendre à la légère et ne pas recourir aux précautions les plus élémentaires

Mais elles ont aussi une différence essentielle avec le sida: Ce sont desmaladies à part entière si j'ose dire alors que le sida n’est pas une maladie en tant que telle. En d'autres termes, on ne meurt pas du sida, celui se contente si l'on peut dire d'abaisser ou carrément de supprimer nos barrières immunitaires permettant malheureusement ainsi à des maladies opportunistes de se développer en prenant un caractère gravissime conduisant à la mort de l’intéressé(e) alors qu’en temps normal nos mécanismes innés d’autodéfense n’auraient pas permis à ces affections de se développer et d’attenter à la vie de ceux qui en sont atteint

Bon! Jusqu’ici, j’espère n’avoir pas raconté trop de bêtises mais au cas où, n’hésitez pas à le me faire savoir.

Je voudrais maintenant vous faire part de ce qui me frappe dans cet effroyable phénomène.

Certes, des études laissent à penser qu’on pourrait retrouver des traces de sida dans un passé plus ou moins lointain mais le phénomène de masse qu’il est devenu remonte à moins de trente ans. Rappelez vous ce slogan des années 68: «Jouissez sans entrave». Sous entendu: Pas de précautions particulières, profitez de la vie et des plaisirs qu'elle procure, on saura toujours vous guérir si vous êtes atteints par une MST quelconque. On en est bien revenu de cet état de grâce et d'inconscience et l’histoire du sida fourmille de ces histoires où des jeunes gens, filles ou garçons se sont retrouvés infectés lors de leur premier contact.

Rapidité de la propagation tout d’abord. En une trentaine d’années comme je le soulignais plus haut et ce qui est très peu, des millions d’êtres humains de tous âges, de tous sexes, de toutes conditions, en sont morts, d’autres, innombrables sont contaminés sans espoir de guérison.

Mode de propagation ensuite basés sur ce qu’il y a de plus basique, de plus naturel aussi dans les comportements humains: Le besoin, le désir de se reproduire tout ça s’appuyant ou mettant en œuvre l’instinct sexuel.

Comportements du virus proprement dit:

-Mutations incessantes rendant très difficiles la mise au point d'un médicament spécifique efficace même si les trithérapies ont permis d'énormes progrès.

-Extrême discrétion de ce même virus (au moins dans un premier temps) puisque on peut déjà être infecté et contagieux sans que sa présence puisse être détectée.

-Je rappelle d'autre part qu'on ne connait pas les conditions réelles d'apparition de ce virus. Certains ont été jusqu'à suspecter des «opérations» qui auraient mal tourné ou trop bien réussi. Qui le sait? Il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui encore, on n'a pas réussi à identifier le véritable début de cette pandémie pas plus qu’on n’a pas réussi à identifier le réservoir de ce virus portant nécessaire à sa survie

-Je rappelle aussi que cette affection s'attaque avant tout aux forces vives des pays dans lesquels il sévit, c'est à dire essentiellement aux femmes et aux hommes en âge de procréer et aussi aux enfants qui naissent de mères infectées

J'en viens donc à James Lovelock, célèbre auteur de l'Hypothèse Gaïa, dont la parution secoua le monde scientifique au début des années soixante-dix et qui rencontra un très grand succès auprès du public.

Fascinante et controversée, l'hypothèse culte des écologistes (la Terre considérée comme le plus grand organisme vivant: Gaïa) a été proposée par James Lovelock qui montre que notre planète a connu plusieurs âges correspondant à la prédominance d'espèces très différentes : d'abord les anaérobies, puis les aérobies (dont nous sommes) qui consomment de l'oxygène, poison violent pour les premiers.

Décrivant l'histoire de la Terre dans une perspective globale, Lovelock conclut à notre responsabilité: En trois siècles, l'humanité a davantage modifié le visage de la planète que l'évolution naturelle en des centaines de milliers d'années. S'il ne doute pas, cependant, que la Terre retrouvera un équilibre chamboulé aujourd'hui par l'activité industrielle, Lovelock suppose que ce pourrait être au prix de la disparition des hommes, dont le règne n'aurait représenté que l'un des âges de Gaïa.

Autrement dit et si nous nous référons à l'hypothèse de Lovelock, la terre, nommée Gaïa, organisme vivant en serait à appliquer son propre programme de limitation des naissances.

Beaucoup d'éléments contribuent à cette hypothèse que j'ai brièvement évoqués plus haut: Le pouvoir de dissimulation du virus jouant à cache-cache avec les chercheurs et les équipes soignantes, sa malignité, son mode de propagation, l'impossibilité de s'en débarrasser d'où l'impossibilité de guérison même si l'espérance de vie a été et continue à être augmentée.

La conclusion fait froid dans le dos. Si on croit en l'hypothèse avancée par Lovelock, Gaïa est à l'oeuvre pour se défendre et elle fait à son échelle et à son rythme qui ne sont pas du tout les notres

L'espèce humaine a entrepris depuis longtemps de perturber les équilibres naturels. Nous portons atteinte à la nature elle même et elle prend les mesures nécessaires pour se défendre; le sida fait peut être partie de ses armes. Nous sommes devenus de dangereux gêneurs et spoliateurs dont il convient de limiter le nombre, voire de se débarrasser.

Vaste sujet de réflexion, un combat s'est vraisemblablement engagé dont il n'est pas sûr que notre espèce sorte vainqueur.

Voici quelques années, lors de l'un de mes voyages en terres lointaines, j'avais écrit ces quelques lignes sur Gaïa que je soumets à votre appréciation




GAIA

Je sais que j’ai entendu battre le cœur du monde
Une nuit prés du lagon d’une île sous le vent.
J’ai perçu pendant le temps d’une éternelle seconde
L’incroyable intensité de l’un de ses battements

Seul, les yeux levés vers les constellations
Dans la douceur sucrée de cette poussière de terre
Posée là dans l’obscure immensité sans frontière
Bercé par l’alizé volage et sa tendre possession

J’ai senti sous mes pieds comme une respiration
Comme la poitrine d’un dormeur se soulève
Quand le sommeil désiré prend enfin position
Lorsque les rêves arrivent, le saisissent et l’enlèvent

Et moi-même, moisissure naufragée sur cette poussière,
Cette solitude de corail aux confins de toute terre
J’ai ressenti dans ce souffle peut-être venant des enfers
L'écrasante présence de Gaïa, notre mère tutélaire

Claude
à Hao, atoll du Pacifique

14.11.05

visite à Surcouf



Visite à Surcouf, le grand méchant Couf comme l’appellent finement les fils de pub. 3 étages remplis d’ordi, du Microsoft très soft et du hard très hard comme s’il en pleuvait.

A l’entrée, un pépé, yeux exorbités, un peu apoplectique tourne sur lui même comme un «soleil craché », de mauvaises langues prétendent qu’on en a retrouvé un, tout momifié derrière une pile de vieux catalogues. Une pin-up blonde du haut de ses au moins 10 ans, encasquetée et blonde queue de cheval au vent, explique à une dame un peu hagarde les avantages d’une connexion USB; 300 mètres d'attente à chaque caisse, les caissières portent des fers aux pieds pour les empêcher de s’enfuir, on les nourrit par intraveineuses, on a installé des relais comme pour un marathon, eau fraîche et tranches de citron à chaque virage, des commissaires vérifient que personne ne chercher à couper à l’intérieur. (les virages bien sûr)

3 étages, complets, une vraie foule, collante, compacte et visqueuse, des Italiens gesticulent et s’engueulent, des relents de vendetta flottent, un parfum d'omerta rode, une omerta à 200 décibels : Des Chinois passent énigmatiques et furtifs, un sourire à base d’idéogrammes aux lèvres, impossibles à déchiffer sans dictionnaire de Mandarin.

"Quand la marabunta gronde", ça me rappelle "Quand la marabunta gronde" un film sur les fourmis tueuses et leur cohorte dévastatrice en Amazonie; j’ai vu ça dans un ciné de quartier, quelque part dans les années 70, un film, entièrement tourné en décors naturels à Hollywood même, les fourmis avaient du être importées, la vedette féminine se faisait faire au moins 3 brushings chaque demi heure à voir sa coupe impeccable, probable que son coiffeur courait avec elle le temps qu’ils distançassent de concert les féroces fourmis avant d’être rattrapés par elles dans un suspense insoutenable; on entendait des millions de mandibules avec un bruit sourd en arrière plan au fur et à mesure qu’elles se rapprochaient.

Vu du dessus et comme pour une caravane de fourmis, la foule se gondole, s’arrête et repart. Pour sortir, il faut prendre rendez-vous et franchir la porte à l’annonce de son numéro.

Dehors, la lutte continue ; des colonnes armées montent à l’assaut de la rue Montgallet, la Montgallet valley qu’ils appellent ça maintenant.

De la connectique, du hard, de l’écran plat sur chaque trottoir, c’est Fort Alamo à tous les coins de rue, des bistrots classés monuments historiques ont finit par se rendre malgré un défense héroïque et des drapeaux blancs flottent encore aux fenêtres.

On n’entendrait pas un char d'assaut voler, la rue sent le pixel et le driver bon marché. Des commandos s’infiltrent, des indigènes qui avaient tenté de résister ont été placés dans des réserves, dans ces bad lands où la norme IEEE a bien du mal à pousser normalement. Des éléments avancés les visitent parfois, fraternisent et leur offrent des cigarettes, du chewing-gum et des menus vitaminés, c'est MASH et Omaha-beach réunis; les larmes aux yeux, des vieux se rappellent la campagne de Normandie et en échange offrent du calva vieilli en fût de chêne

Le soir, la rue fume encore de tous ces pas amoncelés ; rassurés, parmi les vapeurs délétères, des rats reviennent à leurs égouts, des détrousseurs de carcasses errent et fouillent des cartons abandonnés. La grande armée, ivre de Bérézina, s’est retirée vers ses bases arrière, les blessés sont pansés, les morts et les chercheurs d'occasions bon marché sont récupérés.

Enfin le silence retombe laissant la rue à ce vertige existentiel et ce parfum suri des combats inexpiables, de ces guerres de 100 ans, sans vainqueurs ni vaincus et qui sont les vrais fonds de commerce de nos profs d'histoire-géo.

Claude
Paris, un samedi en 2005


13.11.05

ma mère est morte


Ma mère est décèdée la semaine dernière. C'est à la suite non pas d'une longue maladie comme l'on dit pudiquement mais du à une usure généralisée et au grand âge. En aucun cas, il ne s'est agit d'une mort suprise mais je n'en attendais pas moins le coup de téléphone m'avertissant de son décès avec appréhension et évidemment il est arrivé au plus mauvais moment comme s' il pouvait y avoir un "bon" moment pour ce genre de communication et voilà ce qu'il m'a inspiré comme si sans le savoir ce poème était présent dans ma tête, tout prêt pour l'occasion car il a été écrit d'un jet et en quelques minutes:

MA MERE EST MORTE

-Ta mère est morte!
ça m'est arrivé comme ça
au milieu des cohortes
de la rue Quincampois,
le portable dans ma poche
a sonné plusieurs fois,
pendus à mes bras
j'avais quelques poches
et mal au bout des doigts.

J'avais acheté ce matin là
des yaourts et des compotes
du poulet et de l'eau minérale;
tout ça c'est pour l'anecdote
mais c'est bien normal
de regarnir son réfrigérateur
quand est arrivée l'heure.

Dans une poche intérieure
mon portable avait vibré
tout contre mon coeur
qui, du coup avait accéléré

-Ta mère est partie!
d'un trait m'avais tu dit
et soudain sur le trottoir
j'ai du avoir l'air un peu con
à mon âge revenir petit garçon!

Une femme en noir
et un monsieur sérieux
m'ont lancé un regard curieux
et là dans cette solitude
au milieu de la multitude
j'ai laissé un tas de souvenirs
venir à moi et m'envahir

-La jeune femme souriant à la vie
dans ses voiles d'épousée ravie
-Cette femme qui préparait la Noël
avec presque l'air d'une demoiselle
-Et celle s'activant à ses fourneaux
avec un lapin le fourrant de pruneaux.

Ma mére est décédée à l'hôpital
et ça leur bien égal
à eux qui me bousculent
et je me sens bien ridicule
sur ce bout de trottoir
avec cet idiot de téléphone
dont la sonnerie encor' résonne
avec un goût de désespoir

oui, j'dois avoir bien l'air con
avec ces larmes aux coins des yeux
ma mère me fait faux bond
et je me sens soudain devenu vieux
entre la mort et moi, j'avais cet écran
qui me défendait contre le temps
celui qui passe et qui assassine
mais recule devant les mères
qui savent guérir même les angines
et chasser nos pensées amères

Et je me heurte à cette putain de foule
avec dans ma poitrine une boule
ma mère a quitté cette terre
et il faut que j'aille garnir mon frigidaire

Claude
Paris 2005

12.11.05

le marché d'Aligre

LE MARCHE D'ALIGRE

J’aime le marché d’Aligre, c’est à Paris, dans un recoin du XIIème entre Bastille et gare de Lyon.

Bon, je ne vais pas faire le coup de l’Inde où pendant quelques années j'ai vécu : Ca me rappelle l’Inde? Eh ben, non, ça me rappelle rien de tout ça. En fait, Aligre se suffit à lui même sans qu’une comparaison lui soit nécessaire.

Ce marché s’étale un peu paresseusement tout au long de la rue d’Aligre, se poursuit sur la place du même nom et vient buter sur la rue de Charenton en égrenant de tout son long des stands de fruits et légumes dans l’accent rauque des vendeurs la plupart « nés natifs » d’outre méditerranée pour la plupart.

C’est proche de chez moi et quand je suis à Paris, c’est là que me conduisent assez souvent mes pas.

J’y fait souvent des affaires fabuleuses: Une poignée de cerises supplémentaires par ci, 3 concombres pour le prix d’un par là et je me fais l’effet d’être un négociateur extraordinaire ce qui fait flatte bien mon ego.

On y trouve aussi une boulangerie avec le meilleur pain de Paris, j’ai compté, 83 disent la même chose mais, c’est quand même vrai qu’il est bon le pain d’Aligre et puis j’y ai même trouvé un grand motif de satisfaction personnelle

Récemment la boulangère en chef, celle qui trône derrière son comptoir à la caisse m’a fait passer devant tout le monde alors que sagement j’attendais, un pain à la main, en disant à la cantonade -Monsieur, je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps J’ai donc quitté la file sous l’œil envieux de ceux et celles réduits à une attente plus ou moins longue.

J’en ai conçu un orgueil démesuré. Je soupçonne maintenant cette boulangère d’éprouver un faible pour moi. Je vais finir par avoir un rabais sur les miches! Sur celles de la boulangerie, pas celles de la boulangère, qu’alliez vous donc imaginer là ?

Presque en face, on trouve le baron rouge, un des derniers vrais bistrots parisien. Là, c’est le patron qu’il faut apprivoiser, mais bon, on y arrive.

On y sert de fabuleuses cochonnailles servies sur de petites planches en bois où on découpe son saucisson ou son andouille comme on l'entend.

Mais comme dans une auberge espagnole en même temps que bistrot parisien, on peut y amener son manger et qui n’a pas connu la dégustation de bonnes et fermes cerises ou une mandarine bien fraiche dépendant de la saison et juste achetées à côté et arrosées d’un Muscadet bien frais n’a pas encore découvert le véritable sens de la vie.

Mais Aligre recèle d’autres trésors, en particulier, un bricolo, genre marché aux puces qui a pu s’installer dans un coin de la place. On y trouve de tout, exhumé des greniers : Des tableaux avec des biches qui boivent à une mare dans la forêt, consternantes horreurs mais qui ont du présider pendant une ou deux générations à la salle à manger d’un modeste 2 pièces et que d’oublieux héritiers ont condamnés à cette mort sans gloire et aux regards quelque méprisants des passants du dimanche .

On y trouve aussi des dossiers dans lesquels s’entassent pèle mêle quittances d’électricité, papiers de notaires, carte d’électeur, voire des lettres d’amour qui contiennent en elles tous le regrets des choses défuntes et devant lesquelles je fond complètement.

Je suis tombé aussi sur des patrons de vêtements commencés et jamais finis, des recettes de cuisine, tout un fatras de petites choses qui sont la vie même. Des vestiges de vies peut être tragiquement interrompues et qui me troublent et me fascinent.

Comme si on regardait par le trou d’une serrure, un exercice de voyeur en quelque sorte d’où ce sentiment de géne mélangé à de l’attendrissement spécialement quand on déniche un album où des photos soigneusement rangées et quelquefois annotées ont depuis longtemps fini d’être regardées : Cousin Antoine à Etretat, 1933; communion d’Amélie dimanche 23 juin; la naissance des jumeaux, le mariage de Machin, les vacances à la mer ou tel ou tel paysage qui a valu d'être ainsi immortalisé par l’opérateur d'un instant, cliché généralement tristement plat mais quand même plein de fraîcheur et paradoxalement de vie, chacun d'entre nous ne pouvant être Robert Doisneau. Par contre jamais ou très peu d’enterrements comme si une pudeur empêchait de fixer ces moments de peine sur la pellicule.

Eh ben, j’aime feuilleter ces tranches de vie, je m’attarde devant ces regards, ces poses naïves, ces regards conquérants, ces visages d’enfants qui sont aujourd’hui peut être de chenus vieillards, de ces petites filles rieuses maintenant de délicieuses mamies, de ces garçons joueurs, en maillot à rayures sur la plage de Belle Ile en Mer, ou avec le Mont Blanc en arrière plan, en train de monter la tente sous le regard curieux de quelques vaches.

Je m’hypnotise sur ces images et quelquefois j’ai l’impression de prolonger leur vie de ceux disparus, d’autant plus disparus qu’aucune mémoire humaine n’en prolonge plus le souvenir, il m’est arrivé d’acheter deux ou trois de ces albums, une fortune d’ailleurs par rapport à ce qu’ils contiennent et que je scrute de temps à autre comme pour y trouver une réponse à certaines de mes interrogations et où à défaut de réponse, j'y trouve quelque apaisement dans un temps qui n’est pas le mien mais dont j’éprouve une nostalgie légère.

Claude Paris 2005

Ombres légères

      J'ai récemment évoqué ici deux silhouettes féminines qui ont, plus ou moins brièvement, croisé ma vie à divers ...